La vie de l'Eglise (2)
Hormis les mentions de la cure d'Adon dans le Pouillé (1) de Sens, nous n'avons pas de traces tangibles de la vie de l'église d'Adon avant le début du 17e.
Mais à partir de cette époque, nous avons la chance d'avoir un assez grand nombre d'évènements consignés par écrit (notamment dans les registres paroissiaux) dont certains sont détaillés ci-dessous.
1350
Le Pouillé de Sens répertorie la paroisse d'Adon sous la forme suivante:
Adons, patronatus Archiepiscopi
(signifiant que les revenus étaient dus à l'Archevéché) (2)
Au sein du seul doyenné de Ferrières en Gatinais, qui comptait 109 établissements religieux, et ce jusqu'à la Révolution, la Paroisse d'Adon, dont la population était alors la plus nombreuse des environs immédiats, était tenue de verser 70 Livres par an.
Par comparaison, La Bussière versait 40 Livres, Feins 25 Livres, Boismorand 40 Livres, Dammarie sur Loing 50 Livres, etc.
1631: Edification de la grande croix du cimetière
Un parchemin original (3) atteste que :
« Au dit an 1631 ont été faites à neuf les fontes de la dite église d'Adon, et a été acheté le bassin d'airain qui y est d'Orléans, a aussi au dit an été fait le plancher de la nef de la dite église et la corniche qui est au grand autel. Ensemble a été bastie la grande Croix de pierre qui est dans le cimetière. Guillaume Guillebost et Charles Hislay estans alors marguilliers. 1631
Signé : Lallemant » (4)
Il est quasiment certain que le piédestal supportant le « bassin d'airain » servant de baptistère dans la niche de droite en rentrant dans l'église, est celui qui supportait cette grande Croix.
1631: Transfert des reliques de Sainte Bathilde dans un nouvelle châsse.
Décidément riche en évènements, 1631 vit également le transfert des reliques de Ste Bathilde/Berthe dans une toute nouvelle châsse. Le texte, issu de l'acte authentique, relatant cette cérémonie est transcrit à l'identique ci dessous:
L'an Mil six Cent Trente et Un, le Mardi sixième jour de May, feste de Saint Jehan Porte Latine, les reliques de Madame Sainte Berthe ont été transférées de l'ancienne châsse en la présente pareillement les reliques de la dite sainte qui étaient dans le chef, toutes lesquelles reliques sont ensemblement dans la dite châsse et y ont été posées par vénérable et discrète personne maistre Charles Gravot Doyen de Chatillon sur Loing de mandement et permission de Monseigneur l'Archevesque de Sens, et présence de maistre Esmé Lallemant trésorier et Estienne Fernault Prestres et Chanoines de la dite église de Chatillon et desservants alors la cure d'Adon annexée audit Chapitre par le susdit seigneur Archevesque, Octave de Bellegarde en l'an Mil six cent vingt six après le décès de maistre Pierre Jousset dernier curé du dit lieu qui mourru le Vingtième d'aout audit an 1626.
Signé : Gravot et Lallemant
Ces deux évènements importants pour le village venaient marquer la fin de l'épidémie de peste qui sévit à Adon et dans tout le Gâtinais, ainsi que la mention, se trouvant sur le même parchemin, en témoigne:
"L'an mil six cens trente un, la chère année 1631"
"L'an mil six cens vint huit la contagion universelle à Adon et dans la paroisse 1628 "
1683: Baptème de la cloche
Registre Paroissial : AD du Loiret
Cette année là, le 9 Novembre, la nouvelle cloche fut baptisée.
Elle fut nommée « Charlotte Françoise » par le Marquis de la Bussière, Charles du Tillet (Seigneur d'Arrabloy, Adon, Moyen, et autres lieux...) lui-même, et en sa présence.
La cérémonie eut lieu avec le concours de Sébastien Rouault, Docteur en droit canon et chanoine de l'église collégiale de St Pierre de Châtillon sur Loing, et de Jacques André, le Curé d'Adon.
Le Marquis du Tillet s'était fait accompagné par un collègue et ami, le Seigneur de Courtheraye, comme lui Conseiller du Roi en son Parlement de Paris, et son épouse, Françoise Frézon, marraine de la cloche.
1691 : Abjuration d'un calviniste
Registre Paroissial : AD du Loiret
Le 25 Novembre eut lieu à l'église un évènement apparemment unique sur la commune : l'abjuration d'un ancien protestant et son retour dans la foi catholique.
Pierre Babault a en effet abjuré de la « religion calviniste » et a été réintégré en recevant publiquement « l'absolution de son hérésie et remis dans le giron de l'église catholique apostolique et romaine ».
C'est François le Camus, curé d'Adon qui officia, en vertu de « la permission accordée par Mr Boisleau, Docteur de Sorbonne, Doyen de l'église métropolitaine de Sens, official et grand vicaire de la dite église. »
Cette cérémonie fut faite en public, et en présence de nombreux témoins dont certains ont contre signé l'acte.
1716 : Baptème de la deuxième cloche
Cette nouvelle cloche portait l'inscription suivante (relevée en 1881, au remplacement de celle ci) :
"Sancta Petre ora pro nobis. L'an 1716. J'ai été bénite par Maitre Antoine Ozon, prêtre gradué en théologie de l'université de Paris, curé de la paroisse d'Adon et bénéficiaire de la chapelle de Ste Berthe. Je fus François Louise, par Monsieur François Mahon de la Taille, Ecuyer, parrain et par Demoiselle Louise de Gadois, fille de défunt Michel de Gadois, Ecuyer, Seigneur de la Motte et de la grande Métairie d'Adon marraine. M et François Mollot m'ont faite. Thierry et Pierre Doveets étant marguillers" (5)
1809 : Retour des reliques de Sainte Bathilde à l'église
En 1794, les paroissiens décidèrent de mettre les reliques de Ste Bathilde à l'abri dans la Chapelle Ste Berthe, afin de les préserver du zèle potentiel des révolutionnaires.
L'orage passé, les paroissiens se réunirent, et une lettre fut formellement adressée à Madame Bricon afin que les reliques reviennent dans l'église d'Adon. La chasse de 1631 fut alors rénovée.(5)
Le souvenir de cette cérémonie fut consigné par l'abbé Souesme, curé d'Adon dans l'acte (3) ci dessous:
Nous soussignés Pierre Etienne Souesme, curé de cette paroisse d'Adon, Laurent Imbault curé des Choux, Claude Benjamin Vallet Curé de St Louis de Gien et Dame Marie Jeanne Vannier veuve du sieur Claude Benjamin Bricon, ancien procureur du Roy au baillage royal de Gien, nous avons déposé ce jourd'hui dans la présente châsse les reliques de Ste Bathilde reine de France vulgairement connue et dite Ste Berthe. Madame Veuve Bricon étant en possession de la chapelle Ste Berthe où était la ditte chasse lors de la Révolution Française. Donc cette année de concert avec nous curé d'Adon et curé de Gien, les susdites reliques, elle a fait raccommoder la dite chasse, fait faire des brancards neufs, et l'avons scellée après y avoir déposé les reliques enveloppées d'un sac blanc comme elles étaient autrefois et l'avons transportée dans l'église d'Adon pour être ensuite approuvée par Monseigneur l'Evêque lorsqu'il fera sa visite pastorale. Fait à Adon le six Octobre mil huit cent neuf, en présence de Mrs Louis jacques Carrière médecin à Chatillon sur Loin Jean Jacques Phelan curé de Rogny, diocèse de Troyes, qui ont signé avec nous.
Nota : une portion des reliques est restée à Gien dans une autre chasse.
Signé : Vannier Vve Bricon, Carrière, Phélan, Imbault ,Souesme curé d'Adon ,Vallet curé de St Louis de Gien.
Puis l'évèque d'Orléans, beaucoup plus tard, lors d'une visite à Adon en 1840, confirma cet acte (3) et l'autorisation d'exposition et de vénération par les fidèles:
Vivimus et recognovimus reliquias de quibus hic agitur venerationi fidelium exponi permissimus et permittimus
Adon 16 a maii 1840
Signé : + D.n. Episcopus aurelianensis
.
Finalement c'est en 1866 que les reliques furent une nouvelle fois changées de châsse, par le Chanoine Hubert, curé d'Adon et de La Bussière ; c'est celle qui se trouve actuellement dans la niche centrale du Maître Autel.
.
.
Une seconde relique, qui était restée à la Chapelle Ste Berthe, a rejoint la première à la désaffectation définitive de la Chapelle.
1881 : Remplacement des deux cloches
Le 13 novembre 1881, de nouvelles cloches furent installées dans le clocher. Elles étaient au nombre de deux et furent bénies par Mgr Bougeaud, archiprêtre de Gien. Nommées Charlotte-Eugénie et Marie Pauline et pesant respectivement 380 et 202 kg, elles ont été financées par un legs de Madame Virginie Bourguignon, née Liger, à la Fabrique d'Adon, dont pour l'occasion, le grand oncle devait être recommandé aux prières de la paroisse à perpétuité!
Ces 2 cloches sonnent toujours mais ont été électrifiées en1956 par la commune, avec une participation bugétaire de la paroisse (en la personne de l'abbé Papillon) à hauteur de 70%. (6)
1) Le Pouillé, nom issu du latin tardif «polyptychum» était un registre recensant tous les bénéfices qui étaient situés dans une étendue de pays déterminée, ici l'archevêché de Sens, qui dénombrait plusieurs milliers d'établissements religieux!
(2) Pouillés de la province de Sens publiés par Auguste Longnon, Imprimerie Nationale, 1904, BNF
(3) Archives paroissiales
(4) Lallemand était un prêtre du Chapître de Chatillon Coligny, qui avait été désigné par l'archevêque de Sens, Mgr Octave de Bellegarde, pour desservir la paroisse d'Adon à la mort du curé Pierre Jousset en 1626
(5) d'après le document de Solange Rameau-Decencière Ferrandière
(6) Archives communales (registres des délibération)
Les restaurations
L'église d'Adon a bénéficié durant sa vie de plusieurs aménagements et de deux restaurations majeures.
1631
Le parchemin de 1631 nous révèle qu'une partie de la toiture a été refaite à neuf, qu'on a doté le sol de la nef d'un plancher, et qu'une corniche a été posée dans le choeur au niiveau du grand autel: il s'agit très certainement de la corniche qui depuis, a été positionnée sous le vitrail central, et sur laquelle se trouve aujourd'hui le tabernacle.
1863
Une première rénovation majeure fut organisée en 1863 par l'abbé Champault. L'Eglise à cette époque est encore seule décisionnaire et la principale source de financement.
C'est donc à ce moment que l'intérieur de l'église prit une allure très... 19eme. On a en effet voulu faire rupture avec le passé en obturant les 2 niches à droite du chœur, et en enduisant toute la surface des murs de plâtre, recouvert de peinture imitant pierres et joints.
On édifia deux petits autels de chaque coté de la nef, surmontés chacun d'une niche dans lesquelles se trouvaient les statues des saints auxquels ces autels étaient dédiés
De même, un chemin de croix en bois fut mis en place.
On en profita également pour rénover la toiture, et le dallage du sol fit aussi peau neuve.
C'est également de cette époque que datent les trois vitraux du chœur, datés de 1864, dont celui de St Pierre aux liens, patron de l'église, fut dédié à l'abbé Habert, le curé précédent (qui avait eu également en charge la paroisse de La Bussière)
Source: Archives Paroissiales
1975 - 1992
Au 20e, les responsabilités ont changé du tout au tout, puisque les lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat ont transferré aux collectivités locales la propriété et donc l'entretien des églises construites avant 1905.
C'est donc un financement public, mais pas uniquement, puisque la paroisse mit également la main à la poche, qui permit les grands travaux de rénovation qui commencèrent en 1975:
Source: Paix et Joie (bulletin Paroissial Pâques 1992
Voici un extrait de l'article de l'abbé Arbre, relatant l'avancement des travaux dans le bulletin Paroissial de Pâques 1992:
"Nous nous sommes, bien sûr, entourés des conseils de la "Commission d'Art Sacré" et de plusieurs prêtres qui ont déjà réalisé avec succès des travaux semblables dans leurs églises. Nous avons invité également M. Vinum, maître-verrier à Troyes et qui travaille pour les monuments historiques. C'est lui qui est chargé de la réfection d'une partie du vitrail central et des deux vitraux les plus anciens qui commençaient à tomber en morceaux...
Il avait été décidé que l'on ferait tout son possible pour conserver le chemin de croix, qui avait son "petit cachet XIXe" (et dont une "station" déjà n'avait plus que le cadre entourant une planche !) . Cela n'a pas pu se faire."
C'est l'entreprise Lanotte de La Bussière qui fut chargée des travaux. Mr Lanotte a eu l'excellent réflexe de prendre de nombreux clichés avant et pendant la restauration, qu'il a bien voulu bien voulu nous communiquer et dont certains sont reproduits ci dessous. Ils sont le seul témoignage de l'agencement de 1863:
Source: Mr Lanotte
Source: Mr Lanotte
Vue plongeante sur le choeur et les 3 vitraux, les murs ayant été mis
à nu.
On voit clairement les deux niches néo gothiques en bois sculté ainsi
qu'à l'extrème gauche, le petit autel juste dessous. Seules les statues
subsistent aujourd'hui. La chaire, ici posée sur le sol, n'a pas été
remontée.
Source: Mr Lanotte
En retirant les enduits, on a remis à jour les 2 niches qui avaient été
obturées en 1863. La plus petite, au fond, qui avaient une porte devait
servir de placard, la plus grande, au premier plan, a un petit évier
creusé dans la pierre avec une évacuation directe!
On pouvait lire au fond de la niche, la dédicace suivante: "Cette église
a été réparé (sic) par E N en 1863"
La vie à Adon sous l'ancien Régime
Adon sous l'administration royale
Quand on lit les quelques résumés historiques concernant Adon on trouve souvent cette phrase :
« Adon était de l'Intendance d'Orléans, de l'Election de Montargis, et du Baillage de Gien », et on passe à autre chose, sans trop comprendre ce qu'on a lu.
Dans ce chapitre et les suivants, nous allons donc présenter la réalité que recouvraient ces termes et quelques autres... puisque la vie sous l'ancien régime était régie par un nombre important d'instances de toutes sortes, dans lesquelles le laboureur illettré d'Adon devait bien avoir du mal à se retrouver. (1)
1. L'intendance (ou "Généralité")
Sous la Royauté, Il s'agit de la circonscription administrative la plus vaste, d'abord appelé « Généralité ». Pour la diriger, on nomme un « Intendant de justice, police et finances ».
Ses pouvoirs sont très vastes, et il est donc capable, au nom du roi, de régenter la vie de ses concitoyens pratiquement dans tous les domaines : une sorte de préfet à l'ancienne. Peu à peu, au XVIlle siècle, le terme « Intendance » s'imposa.
La plus grande partie du territoire formant actuellement le département du Loiret, c'est donc le cas d'Adon et des villages voisins, appartenait à la « Généralité » ou « Intendance » d'Orléans.
L'hôtel Groslot à Orléans, construit en 1530, servit d'abord de résidence au Bailli (Jérome Groslot lui-même) puis aux Intendants. Il abrite aujourd'hui la mairie.
Photo: Eric Uforyou sur http://www.trekearth.com
La Généralité d'Orléans fut créée par édit du mois d'Août 1558 sous Henri II. Supprimée peu après, elle fut néanmoins rétablie en 1575, en application de l'édit de Septembre 1573 de Charles IX.
2. Les Elections
C'est la Taille, l'impôt direct le plus lourd de l'Ancien Régime, destiné à faire contribuer les sujets appartenant au Tiers-État à l'effort de guerre de la monarchie, remontant au XIVe siècle, qui est à l'origine de la création des Elections.
D'abord confié à des «élus» qui opérèrent jusqu'à la fin du XIVe siècle dans le cadre religieux traditionnel du diocèse, il apparut rapidement que l'amélioration du rendement de l'impôt impliquait des circonscriptions fiscales moins vastes. On s'affranchit donc des diocèses pour resserrer les territoires, en s'inspirant parfois des archidiaconés, circonscriptions religieuses plus modestes. Ainsi se formèrent progressivement les élections, le cadre essentiel de la fiscalité royale (1).
Les frontières de l'Election de Montargis carte de 1719 Source: Gallica
Le « diocèse » de Sens du XIVe siècle donna donc naissance à un grand nombre d' « Elections », dont celle de Montargis, établie par l'édit de Saint-Maur-des-Fossés de juillet 1544, par démembrement de l'élection de «Sens et Montargis». Elle comptait 85 paroisses.
Adon qui faisait partie de l'archidiaconé du Gâtinais et du doyenné de Ferrières, au sein de l'archevêché de Sens, y fut naturellement rattaché.
L'autre Election la plus proche était celle de Gien avec 77 paroisses
Les habitants d'Adon contribuèrent ainsi aux finances du royaume en payant une partie de leurs impôts à Montargis.
3. Le Baillage
Source: Gallica .Texte intégral sur:
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8611282p
Le Baillage est la juridiction chargée de faire appliquer la justice du roi.
Les bailliages ont été établis au XIIe siècle sur le domaine royal, notamment par Philippe Auguste. Il était à l'origine porté par des commissaires royaux qui rendaient la justice, percevaient les impôts et recevaient, au nom de la couronne, les plaintes du peuple contre les seigneurs.
Leur juridiction, régularisée avec les Capétiens fut d'abord très étendue ; mais l'abus qu'ils firent de leur puissance obligea les rois à la réduire. Vers le XVIe siècle, le rôle du « bailli » était devenu simplement honorifique, le Lieutenant général du bailliage et d'autres officiers se répartissant son pouvoir. Néanmoins, leur office était noble et d'épée.
Pour Adon, le baillage le plus proche était celui de Gien, bien qu'il existât également, au début de l'administration judiciaire, une prévôté (le premier degré de la justice royale) à Ouzouer sur Trézée. Mais celle-ci, devenue incompétente, fut réunie au baillage de Gien par l'édit de juillet 1738 sous Louis XV.
4. Les impôts
La Taille
Source: Gallica
Initialement instituée au XIe siècle pour payer la protection du Seigneur local (dans le cas d'Adon, il s'agissait de la famille de Feins), cet impôt tomba en désuétude mais fut repris en 1439 et devint la Taille Royale.
Les Adonais payaient donc cet impôt qui était fixé par le Conseil des Finances et ensuite réparti entre les intendances, puis dans les élections.
Des «collecteurs» choisis parmi les Adonnais eux-mêmes se réunissaient en assemblée et dressaient le «rôle» annuel de la taille et des impositions accessoires, chaque chef de « feu » (Chef de famille) y figurant avec la
« cote » à payer. La cellule fiscale de base était donc la paroisse d'Adon et sa communauté d'habitants.
Néanmoins, compte tenu du très grand nombre de laboureurs pauvres de la commune, peu d'habitants devaient y être soumis.
La Gabelle
Ordonance de Louis XIV de 1680 fixant le prix
du minot de sel Source: Google books
De tous les impôts indirects, la gabelle ou taxe sur le sel était le plus lourd. Adon faisant partie des provinces de la « grande gabelle », on y payait donc le sel au taux maximum. Le sel était détenu sous bonne garde dans des greniers à sel dont la création remonte à 1342 (par Philippe VI, au début de la guerre de Cent ans et pour financer celle ci). Celui dont Adon dépendait était à Gien et fut créé en Mai 1389.
Comme pour la Taille, des rôles étaient tenus et chacun payait selon sa situation.
Tous les greniers à sel étaient cependant « de vente volontaire », c'est-à-dire que seuls les plus aisés étaient tenus d'y acheter chaque année un minot de sel (soit environ 50kg) pour quatorze personnes, âgées de plus de huit ans, mais, quand ils le voulaient.
Les pauvres - ceux qui payaient moins de 30 sous de Taille - c'est-à-dire la grande majorité des habitants d'Adon, pouvaient s'approvisionner au détail, au magasin de la paroisse (appelé le «regrat»), et n'acheter que la quantité de sel correspondant à leurs besoins.
(En 1685, Augustin de Lespinasse, était conseiller du Roi en l'election de Gien, lieutenant criminel au grenier à sel, contrôleur et commissaire et examinateur es elections et grenier à sel de Gien. Sa fille Marie Anne épousa Jean-Edmé VANNIER des MONTEAUX Seigneur des Monteaux, bourgeois de Gien, héritier de la famille Bourgeois, gros propriétaire terrien à Adon, et notamment des Beaugets, Tallot et Sainte Berthe)
(1) Ce chapitre est très largement inspiré par l'excellent ouvrage « Paroisses et Communes de France -Loiret» publié sous la direction de JP Bardet aux éditions du CNRS
Nous ne disposons pas d'information quant à l'existence d'une mairie officielle avant 1849, ni où les administrés se rendaient pour leurs démarches administratives ou d'état civil.
Mais nous savons qu'en 1847, Jean Baptiste Mollière de Thugny, propriétaire du château d'Adon, et ancien maire d'Adon, fit don à la commune d'un terrain longeant la route de La Bussière, à la condition expresse que celui ci puisse servir à l'édification d'un presbytère et ce, avant le mois de Mai 1849.(1)
Après bien des tracasseries administratives et de nombreux courriers échangés, notamment entre l'évèque d'Orléans et le ministre de l'Intérieur ou le préfet du Loiret, c'est le 13 Février 1849 que le Président de la République récemment élu, Louis Napoléon Bonaparte, signait l'arrété d'autorisation. (1)
Source: Fond des Archives Diocésaines aux Archives Départemenatales
Très astucieusement, il fut décidé d'accoler à ce presbytère une petite aile supplémentaire avec accès direct sur la rue, qui devint la mairie.
Le batiment vilt le jour assez vite, son financement ayant été assuré par souscription publique. à laquelle naturellement, la Fabrique d'Adon (l'ancien Conseil Paroissial) participa à hauteur de 300 Francs. (1)
(Pour mémoire le salaire d'un ouvrier de 1850 était d'environ 2 à 3 Francs par jour, le kilo de pain valant 0,40 Franc)
Le Presbytère ayant été construit avant 1905, il devint propiété de la commune, tout comme la mairie l'était déjà, et fut loué au curé résidant, l'abbé Papillon, jusqu'en 1959, après quoi il fut loué à usage d'habitation jusqu'à ce que la commune décide de le vendre.
En 1851, on dénombrait encore 451 habitants à Adon, dont 78 enfant de 6 à 13 ans. Son conseil municipal était de 12 membres dont le maire et un adjoint.
Cette mairie fut en service jusque dans les années 1970, date à laquelle elle fut transferrée dans une ancienne classe de l'école.
L'édifice qu'occupe la mairie aujourd'hui fut probablement construit par Arthur Jaupitre, le propriétaire du tout nouveau château d'Adon, sans doute autour de 1860/1870.
La maison fut alors prêtée pour l'ouverture d'une école de filles, tenues par des religieuses de la congrégation de St Aignan. En 1879, l'école acceuillait alors 26 filles.
Arthur Jaupitre décéda en 1912 et son épouse Marie, en 1926. C'est sans doute à ce moment là que l'école des filles fut supprimée (et intégrée à l'école de garçons juste à côté) et le bâtiment vendu à Maurice Reigneau, alors maréchal-ferrant, dont l'atelier et l'habitation se situaient, en face, de l'autre coté de la rue de La Bussière.
Reigneau et sa famille s'y installèrent. Ses filles Suzanne et Gabrielle étaient au service du château de St Père comme gouvernantes des petits enfants de François Edme Rameau de St Père, dont la famille Millou avait hérité.
Les enfants du Château devenus grands, les deux sœurs habitaient toujours la maison et reprirent du service, cette fois auprès du dernier curé résidant au presbytère d'Adon, l'abbé Papillon, qui y vécut de 1919 jusqu'à son décès, en 1958.
Photo: Aude Magliano
Suzanne Reigneau décéda la première en 1964, suivie de Gabrielle en 1970.
Sans héritiers directs, elles léguèrent leur maison aux deux petites filles de Rameau de St Père, dont elles avaient été les gouvernantes.
Celles-ci conservèrent la maison comme résidence secondaire jusqu'à ce qu'elle soit vendue à la commune en Août 2004. Les travaux de transformation démarrèrent en Septembre 2005 et la nouvelle mairie fut inaugurée en 2006.
Photo: Aude Magliano Photo: Aude Magliano
Photo: Christine Parmisari
(1) Fond des Archives Diocésaines aux Archives Départemenatales du Loiret
(2 ) Il s'agit de Francs de cette époque, valeur 1850,
La Chapelle Sainte Berthe (1)
Préambule
Depuis près de 600 ans, la Chapelle Sainte Berthe est une propriété privée, ce qui est toujours le cas aujourd'hui. Elle n'est donc pas accessible sans autorisation et n'est pas visitable.
Nous remercions les propriértaires d'avoir accepté la publication sur ce site des photographies de la chapelle.
Introduction
Saint Savinien serait arrivé vers 240 à Sens pour précher la nouvelle religion catholique. Il y serait devenu le premier évèque, avant d'être assasiné.
Source: Bibliothèque nationale de France.
En 496, Clovis est baptisé à Reims. Le Pouvoir et l'Eglise ont à cette occasion choisi de faire cause commune pour de nombreux siècles. La royauté s'installe alors à Paris, et la loi salique, qui, entre autres, interdit aux femmes d'accéder au trône, est instituée.
Clovis confie à des comtes, le gouvernement de Sens et d'Auxerre.
Avec la christianisation progressive des populations, l'Eglise joue un rôle de plus en plus prépondérant dans l'organisation d'un royaume en pleine mutation. Sous les Mérovingiens (481-751) puis les Carolingiens (jusqu'en 987), l'archevêque, comte de Sens, exerce conjointement les pouvoirs temporel et spirituel.
Il entretient des liens très hiérarchisés avec les prêtres nommés auprès de chaque chapelle puis paroisse. L'évêché bénéficie aussi de tous les revenus des possessions, de la dîme et des services du culte, qui deviennent vite considérables.
La religion catholique s'imposa rapidement dans les villes, mais mit infiniment plus de temps à s'intégrer en milieu rural.
Et ce n'est que par la superposition des nouvaux rituels sur les anciens que la nouvelle religion put progressivement s'imposer.
D'ailleurs, l'imbrication des coutumes anciennes et des nouveaux rites chrétiens restera longtemps ancrée dans les traditions des campagnes.
C'est donc cette pratique de superposition qui a très probablement motivé l'édification de la Chapelle Sainte Croix à Adon, , connue localement, depuis au moins la deuxième moitié du 15e siècle, sous le nom de Chapelle Sainte Berthe.
En effet, il existe à cet emplacement une source dont les habitants vénéraient les propriétés surnaturelles, en particulier celle de faire pleuvoir en période de sécheresse. (1)
L'Eglise a donc emboîté le pas à ces vieilles coutumes et y a installé son propre lieu de culte, afin de pouvoir convertir et canaliser plus facilement les populations qui s'y rendaient en masse, notamment lorsque la sécheresse sévissait.
La Chapelle Ste Berthe a fait l'objet de bien des attentions locales depuis une cinquantaine d'années, sans pour autant que son sort n'ait beaucoup évolué. C'est aujourd'hui une ruine en très mauvais état, ayant été probablement une charge trop importante et sans réel intérêt pour ses propriétaires privés successifs des 150 dernières années.
A l'exception peut être de François-Edme Rameau de St Père qui souhaita commencer des travaux à la fin des années 1890: son décès, en 1899, l'empêcha de mettre son projet à exécution.
Des auteurs locaux, historiens et journalistes, ont essayé de retracer l'histoire ancienne de la Chapelle. Le plus connu d'entre eux de l'époque récente est le Journal de Gien, (à qui il faut rendre hommage pour avoir servi la cause du patrimoine historique d'Adon), qui y consacra plusieurs articles, notamment en 1966.
Très largement inspiré par les écrits de L'Abbé Patron, et notamment de ses "Recherches historiques sur l'Orléanais" (1870), ces articles (repris depuis par tous les historiens régionaux et l'ensemble de ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la chapelle) reprennent, pour une bonne part, les informations de L'Abbé Patron ; malheureusement celui-ci, s'étant contenté d'assembler des informations envoyées par les prêtres locaux sans les vérifier, n'avance aucune preuve et ne cite aucune source, ce qui fragilise beaucoup son discours.
D'ailleurs les auteurs de « Paroisses et Communes de France - Loiret » publié en 1982 par les Editions du CNRS sous la direction de JP Bardet, mettent en garde le lecteur à la page 60:
« ...L'ouvrage de l'abbé Patron, "Recherches historiques sur l'Orléanais" publié en 1870 et 1871 ou l'on trouve une notice sur chaque commune du Loiret... travail de compilation dans une large mesure, dont les sources ne sont qu'exceptionnellement citées, cet ouvrage doit être utilisé avec précautions en raison de ses erreurs et de ses imprécisions. »
A l'éclairage des connaissances toujours plus approfondies de notre Histoire, et des recherches détaillées que nous avons pu faire, nous allons essayer de mettre en lumière ce que nous savons aujourd'hui afin de distinguer au maximum les faits historiques de la légende, et la réalité des supputations.
Les articles suivants vont donc remettre en question bon nombre d'informations prises pour argent comptant depuis près d'un siècle et demi...
(1) Ceci n'est pas une certitude absolue, puisqu'aucune "source" vérifiable n'existe; mais par extrapolation, cette déduction parait tout à fait vraisemblable, puisque beacoup plus tard, la population de toute la région continuait à s'y rendre en procession par temps de grande sécheresse, ainsi que les registres paroissiaux en témoignent,
Les Pierres Tombales
L'église d'Adon est riche de 5 pierres tombales sur son sol .
Deux sont dans l'allée centrale et ont eu à supporter des milliers de passages depuis plusieurs siècles: leurs inscritiptions sont aujourd'hui complètement effacées; malgré cela, nous verrons qu'il est néanmoins possible de les identifier.
Deux autres leur sont perpendiculaires, et se situent de chaque côté de l'allée centrale , juste avant la grille séparant la nef du choeur.
Enfin, la cinquième, assez petite, se trouve dans le choeur, devant la porte de la sacristie.
Photo: C. Parmisari
Avant de découvrir à qui ces tombes ont été dédiées, il est interressant de se pencher sur cette coutume très ancienne mais aussi très codifiée:
" L'inhumation dans les églises constitue une réalité ancienne si bien connue que l'on omet quelquefois d'en souligner le caractère exceptionnel : elle s'inscrit pourtant en rupture totale avec le double héritage gréco-romain et juif de l'aire culturelle européenne.
La source testamentaire a montré cet envahissement des lieux de culte par les tombes dans les deux derniers siècles du Moyen Age, tout en marquant son caractère évolutif; une sorte d'apogée doit se situer au cours du XVIIe siècle, une décrue intervenant au XVIIIe siècle.
Les évêques sont, sous l'Ancien Régime, seuls compétents en droit pour affecter à la sépulture un lieu de culte qui n'en renferme pas encore, de même que pour décider du principe de la création ou la désaffectation d'un cimetière. L'évêque a aussi le droit de « fixer dans son diocèse la qualité des personnes qu'on pourra enterrer dans l'église ou se réserver s'il le juge à propos, le pouvoir d'accorder cette permission » (Héricourt). " (1)
L'analyse détaillée des registres paroissiaux nous révèle les noms des 5 personnes qui furent enterrées dans l'église. Il s'agit de :
Ainsi qu'on l'a vu plus haut, ces cinq tombes correspondent bien à la période de la fin du 17e et du début 18e, qui connut un pic de cette pratique.
La première de celles ci abrite les restes de Francois le Camus, décédé le 4 janvier 1695, après 10 ans de services à Adon.
Pierre tombale de François le Camus (1694)
L'inscription en français qui y figure est pafaitement lisible, et dit ceci:
"Cy Gist le corps de Mtre François Lecamus, prêtre et curé d'Adon et cy devant Tannerre, qui mourut le 2 Janvier 1694 à l'age de 64 ans. Pries (sic)Dieu pour le repos de son âme. "
Elle est par ailleurs ornée d'une belle tête de mort, selon la coutume de l'époque!
Celles de Jacques André, curé d'Adon pendant deux ans et de Edme Imbert, pendant onze ans, ne sont pas reconnaissables, car leurs inscrptions y sont totalement effacées. On peut nénmoins penser qu'elles ont été alignées dans un ordre chronologique, avec celle de Jacques André au plus près du Choeur, suivie de celle de Edme Imbert.
La quatrième sépulture est celle de Charlotte de Gadois, décédée en 1703. Veuve de François de Gadois, Ecuyer et Seigneur de la Motte d'Adon, elle a été inhumée dans le choeur, ainsi que l'atteste le registre paroissial. Elle se trouve au pied de la porte de la sacristie, juste avant la marche.
Pierre tombale de Charlotte de Gadois (1703)
Les inscriptions de cette tombe restent assez lisibles, bien que mystérieuses car incompréhensibles, mises à part les lettres grecques stylisées "Alpha" et " Omega" de chaque côté de la croix.
Cette sépulture, dans le choeur même de l'église, fut un privilège rare qu'elle avait négocié avec le Marquis du Tillet, dont ses terres dépendaient, au cours du règlement d'un différent qui les avait opposé.
La cinquième tombe est plus énigmatique.
En effet, elle abrite la sépulture de Daniel Grouet, Ecuyer, qui était domicilié à Rogny les sept écluses. Comme on le verra ci dessous, il avait visiblement des liens forts avec Adon, mais comment expliquer qu'il fut enterré dans l'église même d'Adon? Cette question est pour l'instant sans réponse...
On trouve la trace en 1650 d'un premier Daniel Grouet, écuyer, avocat en parlement, qui par son mariage avec Catherine de Villemor, était devenu Seigneur de la Denizière, petit fief démembré de La Brûlerie, à Rogny les sept Ecluses.(2)
Daniel Grouet (2), son fils, celui qui repose dans l'église, écuyer, conseiller du roi, commissaire ordinaire des guerres, commissaire à la conduite du régiment de Picardie, avait épousé Marguerite Amyot. Devenu Seigneur de la Denizière à son tour en 1659, il verse une somme de 1,000 livres à son oncle Joseph de Villemor, écuyer, seigneur de Crannay en partie, en échange des droits que ce dernier avait à la succession de Catherine de Villemor, sa sœur.
On voit ausi Daniel Grouet signer « de la Denizière » sur plusieurs actes de baptêmes ou de sépultures comme parrain ou témoin à Adon.(3)
Source: Archives départementales du Loiret
Marie n'a pas vécu longtemps puisqu'elle fut inhumée à Adon l'année suivante, le 26 janvier 1675.
Le 3 janvier 1683, son fils Jean Grouet, est parrain à Adon.
Finalement, Daniel Grouet est inhumé dans l'église d'Adon le 4 juin 1690 ; sa pierre tombale se trouve à droite, juste avant la grille séparant la nef du chœur. Mlalheureusement, la pierre calcaire est rongée par le temps, et ne laisse deviner qu'une toute petite partie du texte latin qui y figure:
D . O . M(4)
Ici repose Daniel Grouet
Ecuyer renommé...
(1) Statut des morts dans les lieux de cultes catholiques à l'époque moderne Régis Bertrand p. 9-19
(2) Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, Volume 50 1896 p.62 Source: Gallica
(3) Registres paroissiaux Source; Archives Départementales du Loiret
(4) DOM est le sigle de la locution latine "Deo optimo maximo" signifiant « à Dieu très bon, très grand »
La Chapelle Saint Berthe (2)
Les Origines
Dès les premiers siècles de notre ère, et sans doute bien avant, mais sans qu'on n'en ait de certitude absolue, la tradition orale a perpétué l'existence du culte d'une source à l'emplacement de la chapelle sainte Berthe. Cette source était alors vénérée pour des vertus miraculeuses.
Ce n'est pas un cas isolé, loin s'en faut, puisque des recherches ont établi qu'il existait en France à cette époque, plus de six mille sources ou fontaines faisant l'objet de pratiques supersticieuses! (1) En effet, chez les Gaulois, ainsi qu'en de nombreuses autres régions du monde d'ailleurs, l'eau de source, symbole de vie et de pureté, était réputée guérir de nombreuses maladies, ou invoquée pour faire cesser les sécheresses.
Rien que dans le Loiret, il existe de nombreux sites dédiés au culte de l'eau, le plus célèbre devant être celui de
Aquis Segeste, près de Sceaux-du-Gâtinais.(2)
Le sanctuaire de source au lieu dit Craon, près de l'amphitéatre de Chennevières à Montbouy, en est un autre exemple. La statue ci contre, conservée au musée de Chatillon Coligny est l'un des remarquables exemples du mobilier retrouvé sur place, datant du 1er siècle de notre ère. (3)
Bien que la nouvelle religion catholique fut adoptée relativement rapidement dans les villes, aidée en cela par la collusion du pouvoir temporel avec les autorités religieuses, il en fut tout autrement dans les campagnes qui conservèrent pendant encore des siècles, leurs pratriques ancestrales.
Les pouvoirs mérovingiens convertis au catholicisme, représentés entre autres, par Childebert 1er, mais aussi les autorités catholiques comme Césaire d'Arles, ou encore St Eloi, sans parler de plusieurs conciles de l'ère mérovingienne, s'emportaient contre ces pratiques paîennes. Il est bien connu, par exemple, qu'au 4e siècle, St Martin joua un rôle important dans la destruction de lieux de cultes païens, notamment en vallée de Loire (4).
Plus encore, chez les carolingiens, l'article 63 du capitulaire de Charlemagne, Admonitio Generalis, daté du 23 Mars 789 édicte ceci :
"Pour ce qui est des arbres, des pierres et des fontaines, auprès desquelles des pauvres d'esprit allument des flambeaux ou pratiquent d'autres rites, nous ordonnons que ces usages exécrables à Dieu soient totalement anéantis et que partout ils disparaissent."
Il est donc tout à fait plausible, même en l'absence de toute preuve irréfutable, que suivant en cela les directives venant d'en haut, l'Eglise ait procédé au détournement de la vénération originale de la source d'Adon vers le nouveau culte catholique en y construisant une première chapelle.
Et ce d'autant plus facilement que l'eau, chez les chrétiens, joue un grand rôle de purification et de passage, en lavant le nouveau baptisé du péché originel, par exemple.
Mais comment en est-on arrivé à la Chapelle Sainte Berthe que nous connaissons aujourd'hui?
Cest ce que nous allons tenter de décrypter en prenant pour base les informations qui ont prévalu jusqu'à aujourd'hui !
Mais avant d'entrer dans ces détails, il est intèressant de citer l'essai de l' Abbé Crespin sur "L'histoire religieuse de Montargis et du Gatinais", (Edition de l'écluse) dont Adon faisait partie, puisque dépendant de l'archidiaconné de Ferrières.
L'abbé Crespin nous apprend en effet que malgré ses recherches approfondies, et contrairement à nos proches voisins de l'Yonne, il n'existe aucun écrit d'aucune sorte sur les églises, ou sur la vie religieuse de notre région avant la fin du VIIIe siècle, et de la dynastie Mérovingienne (751).
Cette constatation pourra aider à mettre en perspective les affirmations ci dessous.
En effet, on lit chez l'abbé Patron :
"La chapelle Sainte Bathilde fut élevée par des religieux de saint Germain d'Auxerre,
envoyés par le roi Clovis III dès le VIIe siècle"
et, dans le Journal de Gien du 17 Mars 1966 :
" C'est le roi Clovis III qui, au VIIe siècle, remit ces terrains aux moines de St Germain d'Auxerre"
Il y a dans ces deux phrases des affirmations qui posent problèmes à l'historien attentif!
Par exemple, Clovis III, est l'un des rois mérovingiens sur lequel nous ne disposons quasiment d'aucune information, à tel point que ses dates de naissance et de décès sont réduites à de simples conjectures. Pour s'en convaincre, on pourra lire divers historiens, qui ont chacun leur interprétation de cet épisode de l'histoire, si peu documenté.
La description qui en est faite ci dessous ne revendique donc aucune vérité définitive...
Probablement né vers 670 et prétendu fils du roi Clotaire III (5) (mais certains historiens remarquent qu'il n'était pas marié et n'avait pas de descendance...) par Ebroïn, il n'aurait été en fait qu'un pauvre pantin mis sur le trône en 675 par celui ci, maire du palais - sorte de 1er ministre, et véritable détenteur de l'autorité civile et militaire - un homme tyrannique et sans aucun scrupule.
Ebroïn avait d'ailleurs précédemment écarté Bathilde du pouvoir à la fin de sa régence commencée à la mort de son mari, le roi Clovis II. (Devenu veuve avec 3 enfants en bas age, elle assura donc la régence du royaume, avec Clotaire III, l'ainé ses trois fils)
source: http://daniel.sangoi.perso.neuf.fr/verdun/histoire/Rois_faineants.html
Cette période dite "des rois fainéants" qui avaient abdiqué leur pouvoir au profit des maires du palais, et qui marqua le début du déclin de la dynastie avant sa chute finale, fut particulièrement chaotique et anarchique avec assassinats et forfaitures à répétition.
En 675 donc, suite à l'assassinat du roi Childéric II (5) , les Neustriens et les Burgondes proclamèrent son frère Thierry III(5) comme nouveau roi de Neustrie et de Burgondie (Bourgogne), mais avec Leudesius comme maire du palais.
Ebroïn, écarté par conséquent du pouvoir, n'étant pas à une imposture et à une trahison prêt, partit donc en Austrasie et fit proclamer roi d'Austrasie, ce jeune Clovis, très probablement un enfant de cinq ans.
En 676, constatant le manque de reconnaissance rencontré par son initiative, Ebroïn décida finalement de se rapprocher de Thierry III (5), et en échange du titre de maire du palais de Neustrie, renonça à imposer Clovis III .
Celui ci fut donc déposé, et sa trace s'arrête là, après à peine un an de "règne".
C'est à peu près tout ce que l'histoire a retenu de Clovis III.
A son sujet, on trouve dans la littérature quelques différences d'âges et de circonstances en fonction des documents consultés, mais absolument rien qui puisse étayer la moindre hypothèse concernant notre sujet.
Pour finir, Adon et ses environs dépendaient alors de la Neustrie, par conséquent de Thiery III (5), En aucun cas, ni à aucun moment, Adon a pu dépendre de l'Austrasie, donc de la juridiction de Clovis III !
Les descriptions de l'abbé Patron, reprises par le Journal de Gien, paraissent donc bien rapides, d'autant qu'aucun document d'aucune sorte n'est cité pouvant étayer cette thèse.
Les royaumes Francs en 714
Un autre sujet de diffculté concerne le nom de la chapelle, appelée Ste Bathilde, par l'abbé Patron. (6)
En fait, tous les documents officiels connus se référant à cette chapelle font état, en latin, de « Cappella Sancta Crux de Adone » (on trouve aussi "Sancta Cruce" ou encore "Sancte Crucis") signifiant « Chapelle Sainte Croix d'Adon ».
Ainsi que nous l'évoquons ci dessous, en 1188, le pape Clément III adresse une bulle à l'abbé Raoul, en charge de l'abbaye St Germain d'Auxerre. Il énumère toutes les églises qui dépendaient du monastère et qui sont déjà citées dans une bulle du pape Eugène III : puis les granges et les nombreux villages possédés en entier par l'abbaye, et les autres lieux, châteaux et villages où elle avait quelques droits. :
Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Radulfo, abbati monasterii Sancti-Germani Altisiodorensis, ejusque fratribus tam presentibus quam futuris, regularem vitam professis imperpetuum, etc.
Suit la nomenclature des églises qui dépendent du monastère et qui sont les mêmes que dans la bulle du pape Eugène III (Cartulaire, 1.1, p. 478), ajoutant les suivantes:
...Dans le diocèse de Sens, les églises de Feins et de Sainte Croix ("In parochia Senonen, ecclesiam de Fains, ecclesiara de Sancta Cruce".)... (7)
Vers 1350, le Pouillé de Sens, qui compile la liste des revenus des centaines d'églises de l'immense Archevêché de Sens, répertorie également la chapelle sous le vocable « Cappella Sancte Crucis de Adone ».
En 1648, un nouveau « Pouillé général, contenant les bénéfices de l'archevêché de Sens, etc. » est publié. Là encore, à côté de la cure d'Adon, est répertoriée la
« Chapelle de Sainte Croix de Adone ».
A l'évidence le rédacteur n'a fait que reproduire en le traduisant, le libellé latin du Pouillé de 1350 ! (8)
A eux seuls, ces trois documents tout à fait officiels prouvent donc clairement et indéniablement que notre chapelle Ste Berthe, au moins jusqu'au XIVe siècle, mais sans doute un peu plus tard encore, s'appelait Chapelle Sainte Croix.
Il faut néanmoins tempérer ces observations par le fait qu'il y ait pu avoir une évolution locale du nom de la chapelle, sans que celle-ci fusse prise en compte par les comptables de l'Archevêché qui n'y avaient sans doute jamais mis les pieds.
Mais la très forte hiérarchisation du diocèse et le rapport très précis des comptes à travers les siècles laisse toutefois peu de place au doute.
Cette analyse rend donc impossible, l'attribution originelle de la Chapelle au vocable de Ste Bathilde, bien qu'il soit néanmoins facile de faire la confusion, compte tenu de la dévotion plus tardive à Sainte Bathilde, que nous étudierons dans un autre chapitre.
Ce qui par contre n'est pas contestable, c'est que l'emplacement fut en effet placé sous l'égide de l'abbaye de St Germain d'Auxerre, mais, beaucoup plus tard que le 7eme siècle.
En fait, en 675, l'abbaye de St Germain d'Auxerre n'existait probablement pas encore.
Certes la vénération de St Germain (mort vers 450) à Auxerre était très forte, et Clotilde, la femme du roi Clovis, avait d'ailleurs fait bâtir, dès 575, une basilique sur l'emplacement du tombeau du saint, mais la première attestation écrite d'une communauté de moines à St Germain d'Auxerre ne date que de 725. (9)
Puis, dès 735, Charles Martel confisque la plus grande partie des biens de l'Église d'Auxerre (et du reste du royaume) pour les redistribuer à ses armées afin de les rétribuer pour avoir repoussé l'envahisseur arabe. Saint-Germain passe donc sous le contrôle des Pippinides puis des Carolingiens.
Il faut ensuite attendre encore près d'un siècle pour que le rayonnement de l'abbaye prenne l'extraordinaire essor qu'elle connait ensuite, gràce notamment à Charlemagne qui lui restitue ses biens. (9)
Dans ces conditions, comment peut on donc affirmer que la petite chapelle d'Adon, si éloignée des dépendances habituelles de St Germain d'Auxerre, en faisait malgré tout partie?
Voici la réponse:
En 1151 le Pape Eugène III rédige une bulle à l'attention de l'abbaye St Germain d'Auxerre, la prend sous sa protection, ce qui la rend intouchable par le pouvoir royal français, et détaille toutes ses possessions. La chapelle Sainte Croix d'Adon n'en fait pas partie. (malheureusement, il nous est impossible de savoir avec certitude si c'est parce que la Chapelle n'existait pas encore, ou qu'elle n'avait encore pas été attribuée à l'abbaye par un généreux donateur) (10)
Source: Gallica
Le 30 avril 1155, le pape Adrien IV (seul pape anglais jamais élu à cette fonction) fit de même, et confirma les privilèges de l'abbaye.
En 1188, c'est au tour de Clément III de rédiger une bulle similaire, mais, cette fois, la chapelle Sainte Croix d'Adon (de même que l'église de Feins) est attribuée à l'abbaye. (12)
Puis c'est au tour de Célestin III de confirmer ces privilèges le 15 juillet 1193, et finalement, son successeur Innocent III, fera de même en 1198.
Source: http://www.lib.rochester.edu/index.cfm?PAGE=4517
Une copie collationnée de la bulle (en latin) de Célestin III, datant de 1540, est disponible aux Archives Départementales du Loiret sous la cote O Suppl. 491 II 1 article 5, faisant partie du don de Mme Hippolyte. Nous l'avons faite transcrire et traduire afin de vérifier les informations qu'elle contenait.
Peut-on affirmer qu'une chapelle fut érigée dès le 7e siècle?
La chapelle que nous voyons aujourd'hui est sans nulle doute très ancienne ; le mur du portail, seule partie de l'édifice (probablement) original encore debout, porte les traces indiscutables du style roman primitif.
Néanmoins nous n'avons trouvé aucune trace « officielle » de la datation exacte du bâtiment et qui accréditerait une construction originale du 7e siècle.
Un élément assez troublant vient d'ailleurs contredire a priori cette possibilité. En effet, sur la façade ouest du portail, partie sans doute la plus ancienne, on trouve un réemploi d'angle de sarcophage (tout comme sur les murs de l'église St Pierre ès liens d'Adon). Or, selon P. Rousseau,
" la présence de morceaux de sarcophages mélangés à l'appareil caractériserait l'architecture du 11ème siècle dans le Gâtinais."
Compte tenu du lieu où se trouve la Chapelle, au milieu des bois, proche d'une source, avec une humidité quasi permanente, la chapelle a sans doute dû être remaniée à plusieurs reprises, et les quelques murs restés debout jusqu'à aujourd'hui, sont eux probablement du 11e ou du 12e siècle, et non du 7e.
Il faut aussi se rappeler que presque tous les édifices religieux avant le 11e étaient construits en bois et les premières églises romanes en pierres ne sont apparues en France qu'après l'an 1000.
Raoul Glaber, Un chroniqueur bourguignon (fin du Xe s.-vers 1050), décrit le phénomène :
« Comme approchait la troisième année qui suivit l'an mille, on vit dans presque toute la terre, mais surtout en Italie et en Gaule, réédifier les bâtiments des églises; bien que la plupart, fort bien construites, n'en eussent nul besoin, une véritable émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celle des voisins. On eût dit que le monde lui-même se secouait pour dépouiller sa vétusté et revêtait de toutes parts une blanche robe d'églises. Alors, presque toutes les églises des sièges épiscopaux, les sanctuaires monastiques dédiés aux divers saints, et même les petits oratoires des villages furent reconstruits plus beaux par les fidèles. »
Peut être y a t'il eu une construction en bois à cet emplacement à partir du 7e, cela, nous ne le saurons sans doute jamais, mais il est inapproprié d'affirmer que la chapelle visible aujourd'hui date du 7e.
En tout état de cause, seule une expertise archéologique pourrait déterminer avec certitude la datation précise de la chapelle.
En conclusion, malgré des recherches approfondies, les origines exactes de la Chapelle Sainte Berthe demeurent quelque peu mystérieuses. Il est certain, que sans une expertise scientifique, il soit impossible de remonter son histoire, si elle existe, avant le 11ème siècle, d'autant que l'absence de documents vérifiables n'autorise aucune vérité absolue.
La légende de sa création, entretenue et enjolivée depuis longtemps, persistera sans doute encore durablement dans les esprits !
(1) Hubert Jean. "Sources sacrées et sources saintes". In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 111e année, N. 4, 1967. pp. 567-573
(2) Voir la page wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Aquis_Segeste
(3) Voir le superbe site de Mr Bradu http://jfbradu.free.fr/celtes/montbouy/04-sanctuaires.php3
(4) Sulpice-Sévère, Vie de saint Martin: De vita beati Martini c.XII
(5) Clotaire III, Childéric II et Thierry III furent les trois fils (tous rois) de Clovis II (mort à l'age de 23 ans) et de Bathilde (qui fut régente).
(6) Ce qui n'a pas été le cas du Journal de Gien, qui, dans son article, appela la chapelle par son vrai nom d'origine
(7) Cartulaire général de l'Yonne : recueil de documents authentiques pour servir à l'histoire des pays qui forment ce département / publié par la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne ; sous la direction de M. Maximilien Quantin,... Source : Bibliothèque municipale d'Auxerre, 2009-149069 BNF/Gallica
(8) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6107682j/f81.image.r=.langFR
(9) http://www.auxerre.culture.gouv.fr/fr/his/pag/his_cro.htm#
(10) D. Viole, Ms du xviie siècle, t. iii, p. 219-222; Bibl. d’Auxerre, nº 127; et gr. Cartulaire de Saint-Germain, fº 8, rº.
(11) Cartulaire de l'abbaye Saint-Germain: XIIIe siècle, fº IX, vº, nº IV; Ms Bibl. d'Auxerre, nº 140.
Propriétaires successifs de la Chapelle Ste Berthe
(appelée à ses débuts "Chapelle Sainte Croix")
Ce document est, pour une large part, un résumé des informations contenues dans les archives de la famille Bourgeois/Rameau de St Père, léguées à la Mairie d'Adon, qui les a transmises aux Archives Départementales du Loiret.. Il s'appuie aussi sur les Bulles de quatre papes différents.
Il n'existe pas à notre connaissance, de documents écrits faisant référence explicitement à la "Capella de Sancta Cruce" (Chapelle Sainte Croix) avant la bulle du Pape Clément III de 1188
1151 Diocèse de Sens, par défaut, car il n'en est pas fait mention dans la Bulle du Pape Eugène III à l' Abbaye St Germain d'Auxerre (en admettant l'hypothèse de son existence à cette date...)
1188 Abbaye St Germain d'Auxerre - Bulle du Pape Clément III -
1193 Abbaye St Germain d'Auxerre - Bulle du Pape Célestin III -
1198 Abbaye St Germain d'Auxerre - Bulle du Pape Innocent III -
1350 Le Pouillé de Sens répertorie la «Capella Sancte Crucis de Adone» (Chapelle Sainte Croix d'Adon) comme dépendant de l'Archevêché de Sens via l'administration du doyenné de Ferrières en Gâtinais (1)
1489 Un premier bail emphythéotique est accordé, à un bénéficiaire dont le nom n'est pas mentionné ,autre que « La seigneurie de Sainte Berthe »
1505 Bail emphytéotique à Philippe de Corquilleroy, Seigneur de Sommecaise
1564 Reprise du bail emphytéotique par Jean de Corquilleroy, Seigneur du Pont, fils du précédent
1610 Vente par les héritiers Corquilleroy à Dame Catherine Bourgeois (puis restant dans la même famille pendant 350 ans, jusqu'en 1951)
1630 Héritage à Catherine Bouzy, veuve Malingre de Launay (nièce de la précédente)
1644 Don à Jacques Bourgeois (neveu de la précédente) « Ecolier étudiant en Sorbonne » qui deviendra prieur de Ste Berthe et curé de Chevillon
1684 Héritage à Rémonde Bourgeois (nièce du précédent) mariée à Jean-Edmé Vannier des Monteaux
1710 (?) Héritage à Jean-Edme Vannier des Monteaux, Sieur des Monteaux 1685-1761, Conseiller du Roy, assesseur de la maréchaussée de Gien, fils de la précédente
1761 Héritage à Marie Jeanne Vannier des Monteaux 1742-1820, veuve de Claude Benjamin Bricon et fille du précédent
1820 Héritage à Marie-Anne Bricon 1761-1822, petite fille de la précédente, épouse de François-Louis Rameau de Chassenais, médecin et Maire de GIEN.
1822 Héritage à Adolphe Rameau de St Père 1789-1822, fils de la précédente
1822 Héritage à Jean-Edme Rameau de St Père 1820 -1899, fils du précédent, historien, écrivain et Maire d'Adon
1899 Héritage à Jeanne Rameau de St Père, fille du précédent, épouse d' Eugène MILLOU
1951 Achat par Marcel Boussac et intégration au Domaine de Mivoisin
1978 Achat du Domaine de Mivoisin par les frères Willot (groupe Agache-Willot)
1984 Achat du Domaine de Mivoisin par Mr Bernard Arnaud
1986 Achat du Domaine de Mivoisin par la Famille Primat
(1) Au même titre que les églises de Feins, d'Adon, et de La Bussière. Les églises d'Escrignelles et d' Ouzouer sur Trézée étant elles rattachées au diocèse d'Auxerre.
La Nature Historique:
Les Arbres Centenaires
Il existe sur le territoire de la commune d'Adon quelques très vieux arbres remarquables, faisant ainsi partie de son patrimoine historique. Depuis leurs plantations, ces superbes éléments sont tous sur des domaines privés et ne sont donc pas accessibles au public.
Certains propriétaires ont néanmoins autorisé la prise de photos et leur diffusion sur ce site : qu'ils en soient chaleureusement remerciés !
ATTENTION : Les copie, reproduction, impression ou diffusion des photos de cette page
sont strictement interdites
Pays de forêts, les alentours d'Adon ont, de tous temps, portés des arbres majestueux. On peut en prendre pour preuve le document laissé par Rameau de St Père en 1875 sur l'histoire de la terre d'Adon, et qui dit ceci :
« Cette demeure, foyer central de la famille, était bâtie, selon l'usage de l'époque, en bois et torchis, au milieu d'un vaste espace de 10 à 12 hectares, qui restait vacant et sans culture, et qu'on appelait le pâtis en communauté. Nous l'avons encore vu presque dans son intégrité, ombragé de chênes énormes, dont quelques-uns survivent, de 4 à 5 mètres de circonférence ! »
Il n'est donc pas surprenant qu'aujourd'hui encore, il puisse subsister des arbres similaires en différents endroits du territoire communal.
Les deux grandes espèces sans doute endémiques couvrant une grosse partie du territoire forestier de la commune d'Adon sont le charme commun (Carpinus betulus) et le chêne pédonculé (Quercus pedunculata) . Ceux ci sont en effet très à l'aise dans ces terres argilocalcaires, et se sont très bien habitués aux sols souvent gorgés d'eau.
Autant le chêne est un arbre dont la longévité est réputée, autant le charme a une durée de vie beaucoup plus limitée, excédant rarement 150 ans.
Voici donc quelques exemplaires dont les caractéristiques principales sont détaillées.
Pour chaque spécimen, nous indiquons un age approximatif. Celui-ci n'est bien entendu qu'une estimation liée au diamètre de son tronc (mesuré à 1,30m de hauteur) et l'environnement dans lequel il s'est développé.(1) Il est néanmoins très facile de se tromper de cinquante ou cent ans, voire plus...
Ce premier specimen, le plus gros que nous ayons répertorié, est un chêne pédonculé.
Il s'agit d'un chêne têtard, ou trogne, c'est-à-dire d'un arbre dont on laissait grossir le tronc, mais dont les branches étaient coupées régulièrement (environ tous les 5 ans), toujours au même endroit afin de fournir du bois de chauffage, ou de cuisine, et ce, indéfiniment. Ces arbres ont des troncs qui se développent plus lentement que le arbres non exploités.
Sa circonférence est de 5,90m, et sa hauteur d'environ 30m. Il fut sans doute planté à l'époque du roi François 1er, ce qui lui ferait donc près de 500 ans.
Cet arbre majestueux a beaucoup souffert de la tempête de 1999, ayant perdu deux de ses plus grosses branches .
Ses branches montant très haut avec un port très peu étalé, semblent confirmer qu'il devait faire partie d'un groupe d'autres arbres similaires, servant à délimiter une parcelle de terrain, pratique assez courante autrefois, et qui permettait également de nourrir les cochons à bon compte au moment de la glandée.
D'ailleurs, on trouve à une vingtaine de mètres de là, un autre chêne tétard de 4,95m de circonférence, agé lui d'environ 410 ans (Henri IV).
Notre exemple suivant, est un autre chêne pédonculé, à quelques centaines de mètres de distance des précédents. Son architecture en est fort différente, grâce sans doute à l'espace dont il a pu bénéficier pour s'étaler.
Mesurant 4,65m de circonférence à 1,30m, sa hauteur est d'environ 25/30m. Compte tenu de son environnement, plus isolé que son ainé ci dessus, il a dû être planté sous le règne de Louis XIV; son age serait donc d'environ 330 ans.
La ramure de ce spécimen est très intéressante; ses branches sont bien espacées, mais ont grandi en faisant des espèces de volutes, qui lui donnent une allure presque inquiétante de forêt hantée!
Le dernier chêne pédonculé que nous présentons sur cette page était certainement, compte tenu de sa morphologie, utilisé,avec d'autres aujourd'hui disparus, pour limiter une parcelle de terrain. En effet ses branches sont très horizontales, et en formation relativement serrée.
Cet exemplaire mesure 5,40m de circonférence, lui conférant l'age approximatif et très respectable de 450 ans, et donc sans doute né vers 1563, sous Charles IX, en pleine guerre de religions.
Finalement, l'arbre suivant est un cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantiqua). En comparaison de ses aînés ci dessous, c'est un petit jeune! Même s'il a de beaux jours devant lui, puisque cette espèce peut atteindre l'age vénérable de 800 ans! Originaire du Maghreb, cet arbre aurait été introduit en France vers 1840(2)
Sa circonférence à 1,30m est de 3,30m, sa hauteur est d'environ 20 mètres. Il a été planté probablement vers 1900 ce qui lui ferait environ 115 ans d'existence. La tempête de 1999 lui a emporté une grosse branche maîtresse, mais sans le défigurer de manière irréversible.
(1) nous utilisons pour ce faire la méthode décrite par Robert Bourdu, dans Arbres souverains, p-195. : « "Un catalogue des chênes dont on connaît avec une certaine précision l'âge montre que ceux qui vivent de 300 ans à plus de 500 ans (chêne rouvre ou chêne pédonculé) ont un accroissement moyen de 1,2 à 1,3 centimètre par an lorsque l'arbre est en futaie et de 1,5 centimètre lorsqu'il est isolé. Plus l'arbre est jeune, plus la croissance est rapide et, bien entendu, plus les accroissements annuels moyens sont élevés... On peut ainsi évaluer approximativement l'âge des très vieux arbres. »
(2) par le pépiniériste Sénéclauze
Mussy (I)
Le nom de Mussy a pour origine un terme d'origine germanique des 2e et 3e siècles, Mussïg, décrivant un endroit moussu. Transformé au 6e et 7e en bas latin, celui ci a donné "Musciacus", lequel, confondu avec un autre terme germain "Musa" signifiant "boue", il finit par évoluer en français en Mussy, Moissy, Moissac, Moussey, etc.
Le domaine de Mussy, aujourd'hui essentiellement une exploitation agricole avec de beaux bâtiments en pierre, fut autrefois un fief relativement importante, en étant, à l'est d'Adon, l'équivalent de la Seigneurie de la Motte à l'ouest.
Il est d'ailleurs très vraisemblable qu'une autre motte ait pu être établie à Mussy dans les années 1000, au vu notamment d'une étendue de terre ronde, ceinte entièrement d'un large fossé.
La surface des terres du fief de Mussy dépassait sans doute, à l'origine, celle du domaine de La Motte. En effet, on retrouve de nombreux actes de "Foi et Hommage" sur les communes d'Adon, de Feins et jusqu'à Ouzouer sur Trézée. Par contre il est quasiment certain que Mussy ne fut jamais une résidence pour ses seigneurs respectifs, qui tous avaient ailleurs de luxueuses demeures.
Il faut donc voir Mussy, historiquement parlant, essentiellement comme un vaste domaine agricole et forrestier, servant les intérêts financiers de ses propriétaires investisseurs successifs. Son sort fut d'ailleurs intimement lié pendant plusieurs siècles - et pour les mêmes objectifs - à un domaine voisin, celui de La Hutterie.
Il existe un grand nombre de documents disponibles sur cet ancien fief, en particulier sur une période qui s'étend de 1408 à 1602 environ. (1)
Néanmoins, Il semble qu'avant cela, Mussy ait fait partie du grand domaine de la famille royale des Courtenay, car on trouve une mention de Mussy dès 1179, dans un acte de Pierre de Courtenay, faisant dons de biens et de rentes à l'abbaye de Fontaine Jean (fondée en 1124 à Saint-Maurice-sur-Aveyron), juste avant de partir en croisade.(3) :
Source Photo: source voir (2)
"Pour ces choses, il [Pierre de Courtenay] accorda au susdit lieu [le monastère de FontaineJean] sa part du moulinage sur l'étang qui est devant la grange de Mussy. Il leur donna aussi la fournée de poissons du même étang, chaque fois que l'abbé y viendrait. Il décida aussi pour les susdits frères que dans leurs deux granges, à savoir à Mussy et à Sucheul, ou dans leur autre habitation, aucune personne qui y ferait des achats ou des ventes quant aux biens des frères n'en devrait de tonlieu ou d'autre coutume, mais tous leurs lieux seraient exempts de tout impôt des leurs."
Puis, en 1207, c'est au tour du roi Philippe Auguste, neveu de Pierre de Courtenay, de confirmer ces donations: Mussy en fait bien entendu partie. (4)
Pierre de Courtenay, fondateur de la famille des Courtenay, né vers 1126, était le septième fils du roi Louis VI le Gros. Il était seigneur de Courtenay, Montargis, Châteaurenard, Champignelles, Tanlay, Charny et Chantecoq.
Mais, afin de financer, en vain, le sauvetage de son titre d' "Empereur latin d'Orient", la branche aînée des Courtenay dût vendre la plupart des possessions de la famille ; c'est ainsi que Mussy passa dans d'autres mains.
(On doit à la vérité historique d'admettre qu'un doute existe en rapport avec ce qui précède; en effet, il existe au sud de Montargis près de Mormant sur Vernisson un lieu appelé "Moissy", qui pourrait également correspondre à ce qui a été décrit. Le texte latin des documents cités indique bien "Mussy" mais, autant on est certain que Moissy faisait partie des terres des Courtenay, autant cette certitude devient plus floue avec Mussy...)
Il faut ensuite, par manque de documents, faire un bond de 3 siècles, le 29 Septembre 1408 précisément, pour découvrir, un acte qui fait état d'un certain Quentin Camp donnant "Adveu" au seigneur de Mussy pour des lieux et fiefs de La Vieillerie et de La Metoizonniere (situés à Feins), relevant de Mussy. Malheureusement le document ne spécifie pas le nom du seigneur de Mussy!
En 1480, Jean Bourgeois, maître des requêtes et élu de Nemours, rend hommage pour le fief du Grand Chailloy (situé à Ouzouer sur Trézée) à Ysabeau de Prégrimault, dame de Mussy. Puis, Pierre Bourgeois, prêtre, fait à son tour aveu, en 1492, à la dame de Mussy pour le même fief. (5)
Les Prégrimault sont une très ancienne famille de la région, dont les premières traces remontent au 13e. Ils étaient en fait les seigneurs de Briquemault, à Sainte Geneviève des bois. C'est lorsque la lignée directe, faute d'héritiers mâles, s'éteignit, que l'héritier indirect, François de Beauvais, (ami et allié de Gaspard de Coligny) ayant épousé une fille Prégrimault , prit le nom de Briquemault, vers 1620 environ. (voir La Hutterie.)
Photo: http://www.saintegenevievedesbois
Entre temps, le 29 Novembre, 1487, Jean de Prégrimault rend à son tour un Aveu au "sieur Deprié, seigneur de La Bohardiere a cause de ce qu'il luy apartient en la seigneurie de Mussy relevant dudit lieu de La Bohardiere". (Il s'agit du hameau, aujourd'hui disparu, de La Buhardière ou Bohardière, proche de Rogny les Sept Ecluses et de Champcevrais. )
Marc de Prié faisait partie de la grande famille De Prié, qui compta un cardinal et de nombreux grands serviteurs de la couronne. Originaire de la région de Nevers dès le 10e, une branche de la famille s'implanta dans la région d'Auxerre, et notamment de Toucy, dont plusieurs générations furent les barons. Marc de Prié, possédait entre autres, les fiefs de Rivière d'Yonne, (près d'Auxerre) et plus proche d'Adon, de Champcevrais.
Mais à l'évidence, Marc de Prié, n'était pas le seul propriétaire du fief de Mussy, et le partageait avec Robert de Tournemotte, sans doute à la suite d'héritages, comme c'était très souvent le cas. Ce dernier était de Lorris, ou il résidait dans l'ancienne commanderie des Templiers, connue encore aujourd'hui sous le nom d'Hotel de Tournemotte. Il fut en grande partie détruit à la révolution, et un reste de façade est aujourd'hui conservé dans les Jardins Durzy du musée Girodet à Montargis.
Photo: Tatiana Colas
Le 26 octobre 1507, Tournemotte vend sa part de Mussy à Guillaume Courtois, celui ci lui versant une première somme de 500 Livres Tournois, suivie d'une seconde, de 200 Livres, en théorie, le 6 Février 1508.
Et la même année, le 12 Novembre, Guillaume Courtois rend son premier hommage à Marc de Prié, seigneur de La Bohardiere.
Mais la transaction entre Courtois et Tournemotte tarde à être définitivement réglée, à cause, semble-t'il, de dettes engendrées par le métayer, un certain Estienne Séverin. Ce n'est donc que 3 ans plus tard, le 5 Novembre 1510 ,que les deux parties s'accordent enfin, afin d'éviter un procès: Courtois devient, avec son accord, propriétaire des dettes et des avoirs de Séverin, et paye à Tournemotte, les 200 livres qu'il lui doit encore.
En Mars 1515, (Francois Ier vient d'accéder au trône) Guillaume Courtois rend foi et hommage à Jean Amiot, seigneur de Maucreux, pour des terres de Mussy situées à Adon et à Feins.
Peu d'informations sont disponibles sur ce Guillaume Courtois. On peut néanmoins noter qu'il était docteur en médecine et officiait à Orléans, comme en témoignent les citations suivantes:
A Sainte-Croix d'Orléans, les registres comptables mentionnent en 1409, diverses sommes versées aux "phisissiens" ... Enfin, Jean Feneau et Guillaume Courtois, médecins, émargent auprès de l'hôtel-Dieu, en 1517... (6)
ou encore
Hilaire Courtois, d'Evreux, auteur de poésies latines imprimées en 1535, à Paris, chez Simon de Colines, sous le titre de "Volantillae", ..., dans laquelle on trouve des pièces dédiées à Guillaume Courtois, médecin d'Orléans, etc...(7)
On trouve aussi sa trace dans une transaction : "Venste par Guillaume Courtois, docteur en médecine d'Orléans, à Jean Texier, marchand, d'une rente assise sur une métairie située aux Choux, près Gien." (9 juillet 1521). (8)
Mussy fut l'objet de nombreux actes de foi et hommage, soit donnés, soit reçus. Parmi ceux ci , on peut noter, ceux rendus en 1519 et 1520 par Jehean Despence, Seigneur de Feins et propriétaire de La Hutterie., par le Seigneur du Chesnoy à Ouzouer sur Trézée en 1520, et ceux donnés au Seigneur de la Bohardière en 1528 ou 1553.
Après Guillaume Courtois, le domaine passa dans les mains de Michel Courtois, son petit fils (et fils d'Ignace Courtois, Bailli de Montargis). Son nom apparait dans quelques actes, notamment de foi et hommage en 1581 pour "des pièces de prés lui appartenenant en la paroisse d'Adon".
Mais celui ci ne résista pas longtemps aux avances du puissant voisin de La Bussière, le baron Jean du Tillet, qui cherchait à racheter autant de terres que possible. Ce fut donc chose faite en 1583 ou 1584, quasiment simultanément avec La Hutterie..
Le domaine fut donc incorporé aux terres des barons, puis marquis, de La Bussière, et le conservèrent pendant un peu plus de deux cents ans.
(1) Ceux ci font partie du fonds d'archives retrouvés par la famille Ganzin, dont les ancêtres, les Colombel, furent propriétaires de Mussy et de la Hutterie pendant près d'un siècle.
(3) Gallia christiana, t. XII, Instr., p. 57 Source: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k298732q/f242.image.r=Mussy.langFRource:
(4) Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais.Source:http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k298732q/f245.image.r=Mussy.langFR
(5) Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais.Source: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k298719p/f377.image.r=%22Grand%20Chailloy%22.langFR
(6) Annuaire Historique du Dept. de l'Yonne. Recueil de Documents Authentiques Source: http://books.google.fr/books?id=ZUIcAQAAIAAJ&pg=PA253&dq=Champcevrais+%2B+%22de+Pri%C3%A9%22&hl=fr&sa=X&ei=RqXrUpuCOKSr0QW5gYHQBw&ved=0CEMQ6AEwAw#v=onepage&q=Champcevrais%20%2B%20%22de%20Pri%C3%A9%22&f=false
(6) "Le pauvre malade" dans le cadre hospitalier médiéval: France du Nord, vers 1300-1500 Auteur Annie SaunierÉditeur Editions Arguments, 1993 Original provenant de l'Université de Californie
(7) Rabelais et son maitre Arthur Heulhard chez A. Lemerre, 1884 Original provenant de l'Université d'Oxford
(8) Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (1915) Source:http://www.e-corpus.org/notices/9149/gallery/84713/fulltext
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