Rebel Oiseau (I)
Un peu d'étymologie...
Le nom de "Rebel Oiseau", qui n' a rien à voir avec un oiseau rétif, a une vielle et longue histoire. Il la partage d'ailleurs en partie avec « Arrabloy », mais sous une forme ayant évolué différemment.
Les deux termes ont en commun leur origine, le mot « Acerabulus » usité pendant la 2ème moitié du 1er millénaire. Ce terme est en fait un assemblage de deux mots :
« Acer », venant du latin, et
« Abulus » venant sans doute du celte, signifiant pommier ou sorbier. (1)
Après plusieurs siècles, cet « Acerabulus » a évolué en « arable » ainsi qu'on le voit par exemple dans le « Roman de la rose » écrit entre 1237 et 1280 (à ne pas confondre avec l'adjectif arable -du latin arabilis- signifiant labourable).
Arable a donc fini par donner « érable », en Français moderne, mais entre-temps, « arable » a également servi à nommer des lieux ou poussaient des érables, tel « Arabloy ».
A Adon, ce nom fut transformé en « Arblaisau », ainsi qu'il figure sur la carte de Cassini de 1760 (environ).
Source: IGN
Le nom a continué à évoluer lentement, et c'est ainsi que certains actes de la fin du 18e et début 19e, contiennent déjà la formule « Terre de l'Arblaisau ou Rebel Oiseau », repris officiellement par le premier cadastre de 1835 et sur la première carte d'Etat Major de 1837:
Source: IGN
On trouve également sur certains documents officiels de la fin du 19e et début 20e, le nom : « Rabeloiseau » (sans doute dû à une erreur de transcription)!
Un peu d'histoire...
Comme pour toute l'histoire patrimoniale d'Adon, l'histoire du domaine de Rebel Oiseau est une lente mais inéluctable succession d'agglomérations de terres afin d'obtenir la plus grande surface possible.
En 1736, Le domaine de l'Arblaisau comprenait (2) :
soit en tout environ 178 hectares.
Ce domaine était alors la propriété de Thomas Amyot et de son épouse Jeanne Turpin, originaire de la paroisse de Notre Dame du Fourchaud à Bourges, et dont le mariage fut célébré le 2 Août 1734 à Veaugues, dans le Cher. Le couple s'établit à Orléans, où Thomas Amyot, beaucoup plus agé, décéda le 31 Août 1736.
Le couple n'ayant pas eu d'enfant, donc pas d'héritier direct, Jeanne Turpin hérita de l'usufruit de la propriété au décès de son mari, qu'elle garda jusqu'à sa mort, en 1790, tandis que la nue propriété en revenait à Jeanne Saget, la cousine issue de germain de Thomas Amyot.
Entre temps Jeanne Turpin, s'était remariée en épousant en secondes noces, Pierre Jacques Le Veillé, Seigneur du Rochy (dans la Nièvre). Elle semble n'avoir eu aucun intérêt dans cette propriété qu'elle laissa à sa mort dans un état de délabrement avancé.
C'est donc à son décès que la nue propriété et l'usufruit furent de nouveau réunis, et qu'un certain Pierre Amyot, horloger de son état à Norwich en Angleterre, apparaît et réclame son héritage en se disant petit fils de Thomas Amyot.
Pour comprendre ce mystérieux héritier, il faut remonter quelques années en arrière, et découvrir que Thomas Amyot, seigneur "de la Forest", avait épousé en premières noces, Judith Cavalier, à Londres, dans la paroisse de Saint James, le 1er décembre 1694! (3)
il faut également savoir que de nombreux Huguenots, dont certains portaient le patronyme Amiot anglicisé en "Amyot" , avaient fui les guerres de religion pour s'installer notamment dans la région de Norwich et à Londres.
Après deux procès, (malheureusement ces deux jugements ont disparu dans l'incendie des archives du Loiret en 1940) l'un à Orléans en 1791, le second en appel à Pithiviers en 1792, ce Pierre Amyot, fut débouté, et la succession finalement dévolue aux petits cousins de Thomas Amyot et Jeanne Turpin.
A l'issue d'un partage entre le frère et la soeur, seul Charles Turpin, qui était prêtre, demeura propriétaire du domaine.
Au moment du partage, le domaine de Rebel Oiseau bénéficiait en plus de :
« une rente de huit Muid de Bled Seigle, mesure de Châtillon sur Loing, due par Pierre Vilaine, du lieu de La Charmée, et autres propriétaires du dit lieu de La Charmée... »
Le notaire (3) a également noté que « Tous ces objets (...) étant en très mauvais état de réparation qui ont été absolument négligés pendant l'usufruit qui a duré depuis 1736 jusqu'en 1790, ont été et sont estimés dans leur état actuel le prix et somme de 30 000 livres. » !
Finalement il faut noter que le domaine de Rebel Oiseau se trouvait réparti sur les terres de trois puissants seigneurs à qui il fallait rendre hommage (et verser les rentes qui allaient avec) :
Quelques mois plus tard, le 24 Juin 1793, Charles Turpin en fit à son tour don (2) à son neveu, Augustin Roussel de Vauzème et son épouse Louise Mélanie Lenoir.
Augustin Roussel De Vauzème avait vu le jour en 1754 et devint docteur en médecine de la Faculté de Paris. Spécialiste de la peau, il publiera de nombreux articles et plus tard (1835), et en collaboration, un livre intitulé Nouvelles recherches sur la structure de la peau, qui fera référence.
Source: Google Livres
Ceux ci ont à leur tour revendu la propriété sept ans plus tard, le 4 Juillet 1800, à Nicolas Chambon de Montaux, qui avait épousé Augustine Epiphane Bateste.
Lui, né en 1748, était également Docteur en médecine, originaire de Breuvannes, près de Langres, et issu d'une famille comprenant de nombreux médecins, il fit ses études à la faculté de médecine de Paris. Il était d'ailleurs parisien, au moment de son mariage, le 26 Juillet 1791, installé près de l'église Sainte Eustache (4).
Médecin de la Faculté, de la Société de Médecine, Médecin Chef de la Salpétrière à Paris, premier Médecin des Armées, etc. il publia plusieurs ouvrages de médecine sur les "maladies des femmes" dont il était spécialiste:
Source: Google Livres
Républicain convaincu mais modéré, il entra en politique, et en 1792, il est élu Maire de Paris (un peu à contre coeur), en une période bien troublée. Il dût notamment être témoin du jugement au procès de Louis XVI et superviser son exécution, le 21 Janvier 1793; il obtint la faveur de le faire conduire dans une voiture, et non dans la charrette des condamnés.
Rapidement dépassé par la tournure des évènements, il démissiona au bout de quelques mois (ce fut sans aucun doute la bonne décision, au bon moment, car ses successeurs connurent un destin peu enviable). Il se retira donc de la vie politique, se fit oublier à Blois, pour se consacrer à la médecine jusqu'à son décès en 1826.
Son épouse ne fut pas en reste et eut également son heure de gloire, quoique plus modeste, et pour des raisons bien différentes:
"...Au moyen âge et même plus tard, il y eut des chaufferettes pour les pieds, en forme de boules do cuivre, mais on se servait plus communément de chaufferettes de fer, que l'on plaçait sur Le premier perfectionnement de quelque importance que reçurent les chaufferettes, eut pour objet de remplacer la braise par une petite lampe à huile, au-dessus de laquelle se trouvait un bassin de tôle plein de sable : cette innovation parut en 1814. On appela ces chaufferettes nouveau modèle, qui servaient également de réchauds, de chauffe-tisanes, bouillons, etc., des Augustines, du nom de celle qui les avait imaginées, Mme Augustine Chambon de Montaux." (5)
Elle déposa d'ailleurs un brevet de cinq ans pour son invention. (en voir la description sur:
Les Chambon de Montaux gardent la propriété jusqu'au 1er Janvier 1805, date à laquelle ils la vendent à Elizabeth Sophie L'hostellier Desnaudières, "séparée de biens mais autorisée" de son époux, François Philibert Ménessier Viard. (2)
Originaire de Nemours, elle était la fille de Michel L'hostellier Desnaudières, avocat au parlement et receveur des finances de l'élection de Nemours. Elle y avait d'ailleurs épousé en premières noces le 17 février 1789, Barbe Jean Charles Le Bas (le Jeune, car son frère aîné portait les mêmes prénoms...) (6).
Le mariage fut autorisé par dispense spéciale de l'évêque de Lisieux du fait de leur cousinage au premier degré (leurs mères étaient en effet soeurs).
Il était écuyer, Seigneur de St Sébastien les Préaux dans le Calvados et autres fiefs, Conseiller du Roy,Président Trésorier Général des finances au bureau de la Généralité de Rouen.
Veuve sans doute assez rapidement, et remariée donc, elle vécut très certainement à Rebel Oiseau, car elle y est domiciliée au moment de la vente qu'elle en fit à Charles Nicolas Henocq, le 27 mai 1807. (2)
Néanmoins, le domaine ne lui fut pas intégralement cédé, car une trentaine d'hectares (la majeure partie du domaine du Grand Rosier) en avait été soustrait peu avant, et vendu à Etienne Souesme (le frère du curé d'Adon), autre important propriétaire terrien et futur maire d'Adon, de 1808 à 1834.
La transaction, de manière un peu inhabituelle, a en fait consisté en un échange: contre le domaine de Rebel Oiseau, Elizabeth Sophie L'hostellier Desnaudières recevait les appartements des Henocq, situés au 167 rue du Faubourg St Martin à Paris, avec meubles, glaces et rideaux, et les jardins attenants! Elle y déménagea donc après la vente.
Né le 4 septembre 1768 à St Germain la Blanche Herbe, près de Caen dans le Calvados, Charles Nicolas Henocq décèdera le 8 juin 1851 à Paris, à l'âge de 82 ans et sera inhumé dans le Caveau Letrone (du nom de son gendre, collègue et ami de Champollion) au Cimetière du Père Lachaise
Il se maria tout d'abord avec Adélaïde Chevalier, puis avec Marie Antoinette Rigal, le 28 juillet 1806, à l'Eglise St Laurent à Paris
Il fut secrétaire particulier de l'Impératrice Joséphine à la Malmaison à Rueil-Malmaison, ce qu'il demeura jusqu'au décès de celle-ci, le 29 mai 1814.
Il devait son introduction auprès d'elle à son ami et ancien condisciple du collège des Quatre Nations (aujourd'hui l'Institut de France), lui-même secrétaire de Napoléon Bonaparte, Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne.
Ses héritiers relatent que Joséphine ayant eu sans doute un faible pour lui, fit faire son portrait, peint par Isabey en 1809, et le lui offrit! (9)
C'est dans l'entourage de Joséphine, que Charles Hénocq fit la connaissance du prince de Monaco. Celui-ci, détrôné par la révolution, s'était recyclé au service de la noblesse impériale et était alors chambellan de l'Impératrice. Charles Henocq lui rendit quelques services financiers et le prince, une fois rétabli sur son trône à la Restauration, le remercia en lui donnant des terrains à Banastron (près de Roquebrune). C'est là que fut inhumée son épouse, Marie Antoinette Rigal.(10)
Henocq agrandit son domaine de Rebel Oiseau en rachetant, le 10 Septembre 1807, Les Ragoneaux et sa manoeuvrerie
Le premier acte de propriété (2) retrouvé pour Les Ragoneaux, montre qu'ils avaient été achetés en 1788 à Jacques Celebrod (?) par Jean François Guillomet, seigneur de Rosières (Allier). Celui-ci avait épousé Marie Adélaïde Aillaud de Nailly le 5 Mars 1782 à Châtillon sur Loing (Châtillon Coligny). (7) (10)
Originaire de Chantelle dans l'Allier, il s'est installé à Châtillon après son mariage et était Controleur Genéral de la régie, autrement dit, des impôts. Il décéda très vite, en Décembre 1784, à Châtillon, laissant sa veuve seule avec ses domaines.
Marie Adélaïde Aillaud de Nailly était, elle, issue d'une vielle famille de notables locaux, seigneurs de Nailly, à Dammarie sur Loing. Son grand père notamment, avait été Conseiller du Roi et contrôleur du Grenier à Sel de Montargis de 1704 à 1736. Elle survécut à son deuxième mari (le premier avait été Charles Bernard François BABILLE, seigneur de Presnoy, et un de leurs fils fût maire de Châtillon) pendant 33 ans, puisqu'elle décéda en 1817.
C'est donc elle qui vendit Les Ragoneaux.
Les Henocq contribuèrent donc ainsi à l'agrandissement du domaine de « l'Arblaisau ». Mais leurs acquisitions furent d'une extrême courte durée !
En effet, ayant sans doute eu besoin d'argent pour financer d'autres projets, ils revendirent ce domaine presque immédiatement, le 24 Octobre 1807, participant ainsi à l'enrichissement de leur notaire plus que du leur...
(1) Revue Celtique, 32, p. 138. Vendryes
(2) Minutier Central des notaires de Paris, Archives Nationales
(3) London parish registers. Marriages at St. James's, Duke's place, from 1668 to 1837 (Volume 3)
(4) http://archives.yvelines.fr
(5) Moeurs intimes du passé.... Série 1 / Dr. Cabanès Gallica BNF.
(6) Archives départementales de Seine et Marne
(7) Archives départementales Loiret
(8) http://gw2.geneanet.org/jlbam?lang=fr;iz=20802;p=jean+francois;n=guillomet.
(9) Michel LETRONNE Juin 2008 d'après le Livre Biographique sur Denise PORRET descendante de Jean Antoine LETRONNE
(10) http://gw3.geneanet.org/domiri?lang=fr&p=charles+nicolas&n=henocq
Rebel Oiseau (II)
C'est Jean Tondu Muiroger et son épouse, Marie Florence Coliette qui en prirent alors possession.(1)
Tous les deux originaires de l'Aisne, Jean Tondu de Muiroger était Juge à la Fère, et Marie France Coliette de Saint Quentin. En 1785, son père, Maître COLIETTE était avocat en parlement, ancien échevin de Saint-Quentin.
Rebel Oiseau ne fut sans doute pour eux qu'un placement financier. Et, lorsqu'ils revendent leur domaine de l'Arblaiseau, deux ans plus tard, le couple habite alors sur l'Ile St Louis à Paris, et plus précisément à l'hôtel de Bretonvilliers, un des plus beaux hôtels particuliers de Paris, aujourd'hui disparu, au No 2 de la rue du même nom.
Le domaine est donc acquis en 1809 par un personnage peu commun, général émigré volontaire en Inde puis rentré au pays fortune faite, le général Leborgne, comte de Boigne. (1)
Source: Archives Nationales base Etanot
"Le grand-père du général, Antoine Leborgne ( ?-1736), natif de Burneuil en Picardie, vint s'installer en Savoie vers 1709, année où il se maria. Son fils Jean-Baptiste (1718-1765), père du général, qualifié de marchand pelletier, épousa en 1744 Hélène Gabet, bourgeoise de la cité.
De leur union naquirent 5 enfants. Benoît Leborgne, né le 8 mars 1751, n'était que le cadet de la famille. Après avoir été admis, semble-t-il, au collège royal de la ville, Benoît décida de quitter la Savoie en 1768 et d'embrasser la carrière militaire.
Après avoir servi dans les armées du roi de France, il devint une sorte de mercenaire vagabond, entre la Turquie, la Russie et les Indes où il s'établit durablement en 1778. C'est dans ce pays, où l'influence de la France venait d'être sérieusement réduite par le traité de Paris, que Benoît Leborgne, en se mettant au service des princes marates, à la fois comme général et administrateur, acquit renommée et fortune sous le nom de Benoît de Boigne.
Il resta au service de Mahradji Sindiah jusqu'en 1795 puis, deux ans après, accompagné de l'épouse indienne qu'il avait prise et des deux enfants que celle-ci lui avait donnés, il s'embarqua pour l'Angleterre où il débarqua en mai 1797.
Revenu riche dans une Europe en pleine guerre contre la France révolutionnaire, Benoît Leborgne devenu Benoît Leborgne de Boigne s'établit à Londres et y épousa, le 11 juin 1798, une jeune émigrée française, Adélaïde d'Osmond, fille de l'ancienne dame d'honneur de Madame Adélaïde, tante de Louis XVI. Après deux voyages au Danemark et en Allemagne (1800-1801), le couple de Boigne s'établit à Paris en 1802, mais il ne tarda pas à se séparer." (On pourra lire avec intéret cette relation tumultueuse relatée par Adélaïde d'Osmond dans ses mémoires disponibles sur Gallica: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2014366/f144.image.r=m%C3%83%C2%A9moires+comtesse+de+Boigne.langFR)
"Tandis qu'Adélaïde demeura à Paris et dans ses environs, Benoît repartit définitivement en Savoie en 1807 et s'installa dans le domaine de Buisson-Rond qu'il avait acquis en 1802 dans la commune de Barberaz.
Benoît Leborgne de Boigne s'occupa alors de la gestion de son immense fortune et acquit de nombreuses propriétés, essentiellement autour de Chambéry et dans l'ouest de l'actuel département de la Savoie, mais aussi dans le Genevois par l'entremise de ses agents genevois, et ailleurs" : ce fut le cas de l'Arblaisau (Rebel Oiseau) à Adon.
"Devenu entre temps président du conseil général du département du Mont-Blanc, maréchal de camp des armées de Louis XVIII (1814), membre du conseil de la ville de Chambéry (1816), comte de Boigne (1816) puis grand-croix des ordres des saints Maurice et Lazare et lieutenant général dans les armées du roi de Sardaigne (1822), Benoît de Boigne entreprit de faire profiter la cité qui l'avait vu naître de ses largesses et, à partir de 1814, commença une série de donations et fondations qui lui assurèrent la reconnaissance publique et commenca à organiser sa succession.
Benoît Leborgne, comte de Boigne, s'éteignit à Chambéry le 21 juin 1830, et fut inhumé dans l'église Saint-Pierre-de-Lémenc." (2)
Lorsque le Comte de Boigne achète l'Arblaiseau, le domaine s'étend sur 254 ha. Quant aux bâtiments construits, bien entendu les fermes et métairies existaient, mais aussi la construction nommée dans l'acte de vente « Maison de Maître de RebelOiseau » (dans d'autres actes, il est question de « Pied à terre »)
Cette construction "fraîchement décorée", comprend :
« au rez de chaussée : une cuisine, une petite chambre de domestique, une salle à manger, son office, un caveau, un salon.
« au premier: quatre chambres à coucher, cabinets, grands greniers,
« Tourelle dans laquelle est l'escalier, colombier au dessus,
« bûcher, logement de gardien, etc.. » .(1)
Mais le comte de Boigne ne s'est pas contenté de cette propriété puisque, deux mois avant, le 1er Juin 1809, il avait déjà acquis des héritiers Colinon les terres des Petits et Grands Roussets et des Verseaux.
Les trois héritiers Colinon, avaient en effet reçus de leur mère, Françoise Agnès Rose de l'Epinay, qui elle même , en 1806, avait hérité de son cousin germain, Jean Baptiste Rose de L'Epinay, ce domaine agricole.
Benoit de Boigne continua donc la consolidation de ce grand domaine, probablement sans jamais y mettre les pieds: il est en effet représenté par un homme de loi dans tous les actes notariés.
Le comte de Boigne conserva le domaine de Rebel Oiseau pendant 9 ans, jusqu'en 1818, date à laquelle le domaine fut vendu à Guillaume Rouland de la Vente, Docteur en médecine et Antoinette Julie Dufresnois, sa seconde épouse. (1)
La surface du domaine était passée de 254 à 461 hectares.
L'Almanach de Versailles pour les années 1785 à 1789 nous apprend que Guillaume Rouland de la Vente avait été en fait le chirurgien des écuries de la Reine Marie Antoinette. Nous ne savons pas ce qu'il fit après les temps troublés de la Révolution: il est très possible qu'au moment de l'acquisition, il n'était déjà plus en activité. (3)
Il est peu probable que le couple soit souvent venu à Adon, et ce, d'autant que Guillaume Rouland de la Vente décéda l'année suivante, en 1819.
Antoinette Julie Dufresnois, son épouse, ayant racheté les parts des deux enfants du premier lit de son mari en épongeant les dettes qu'il leur avait laissé en héritage, resta seule propriétaire. Elle perçoit d'ailleurs une rente annuelle de 400 Livres, ainsi qu'on peut le lire sur la "Liste générale des pensionnaires de l'ancienne liste civile" de 1833 Source : Google Books
Elle conserva le domaine encore un certain temps et finit par le vendre en 1824 à Jean Baptiste Dunoyer de Noirmont. Pour ce faire elle se fit assister de Jean Baptiste Mollière de Thugny, propriétaire du Château d'Adon, qui avait d'ailleurs en partie financé leur acquisition, et dont elle était débitrice.
Jean Baptiste Dunoyer de Noirmont, était issu d'une famille d'hommes de loi auvergnats dont le nom d'origine est Coffinhal.
Son père, Joseph, ainsi que ses deux oncles étaient juristes, et furent tous trois très impliqués, mais à des responsabilités différentes, dans les tribunaux révolutionnaires. Notamment, son plus jeune oncle, Pierre André, fut un juge violent, expéditif, et le tristement célèbre auteur de cette réplique à Lavoisier qu'il venait de condamner à la guillotine, et lui demandait un sursis pour pouvoir terminer une expérience en cours: "La république n'a pas besoin de chimistes ni de savants!"
Ce ne fut pas le cas, de Joseph, le frère aîné, qui prit ses distances avec ces pratiques, tout en conservant ses fonctions de magistrat, notamment à la cour de cassation. Pendant l'Empire, l'empereur Napoléon lui donna différentes preuves de sa confiance; il le nomma plusieurs fois président du collège électoral du Cantal, et l'avait de plus, chargé de l'organisation de la justice et des tribunaux à Rome et dans les "Provinces Illyriennes" (Croatie, Dalmatie, Slovénie, etc.).
Satisfait de la manière dont il avait rempli cette mission, l'empereur le créa, au commencement de 1813, baron et maître des requêtes au Conseil d'Etat.
En 1816, il est autorisé par ordonnance du 4 Septembre à s'appeler "Dunoyer de Noirmont ", le patronyme de sa mère, et à abandonner le nom de Coffinhal (4), qui avait été sérieusement entâché par les agissements de son frère (celui ci avait fini décapité, peu après Robespierre, en 1794).
Pendant ce temps, son fils Jean Baptiste, né à Paris en 1787, entre à l'Ecole polytechnique le 29 brumaire an XIII (22/09/1804) pour en sortir le 01/10/1806 comme élève sous-lieutenant à l'Ecole d'application du Génie.
Il obtient son brevet de lieutenant en premier de Sapeurs le 23/12/1808 et fait partie de l'armée d'Allemagne. Il participe à la campagne de 1809 contre l'Autriche et est nommé avec son grade à l'état-major du Génie le 01/07/1809. Promu au grade de capitaine en second de Sapeurs le 01/01/1810, il part pour les armées d'Espagne et du Portugal pour les campagnes de 1810 et de 1811.
Il reçoit la croix de Membre de la Légion d'honneur le 4 Août et participe au siège d'Almeida du 15 au 29 Août, où il reçoit une contusion à la jambe par un coup de pierre. Il est fait capitaine en premier le 31 Janvier 1811.
En 1812, il prend la tête du Génie de la 6ème division du IIème Corps d'armée de la Grande Armée qu'il rejoint à Osnabruck pour participer à la campagne de Russie. Il est blessé le 27 Juillet au combat de Jacobowo d'un coup de feu à la cuisse gauche et reçoit une nouvelle blessure en Août, devant Polotsk où un coup de baïonnette à l'épaule le met hors de combat et l'oblige à se rendre aux russes. Il reste prisonnier de guerre jusqu'à la première Restauration. (4)
A son retour en France, il est reconnu capitaine de première classe le 01 Janvier 1815, pour être employé à l'état-major du Génie à Paris, et épouse immédiatement Louise Gabrielle FOSSARD
A la seconde Restauration en 1816, il retrouvera sa place à l'état-major du Génie de la place de Paris, et leur fils Joseph, naît en Juillet de la même année.
Goûtant probablement une vie plus tranquille après avoir survécu aux guerres napoléoniennes, il s'occupe de son nouveau domaine de Rebel Oiseau auquel il rend visite régulièrement. C'est au cours de l'un de ces séjours, alors qu'il était en visite chez les Mollière de Thugny, propriétaires du Château d'Adon, qu'il décède brusquement en Novembre 1831, à l'age de 44 ans.
Le domaine demeure dans la famille encore une douzaine d'années, le temps que son héritier, le nouveau baron Joseph Dunoyer de Noirmont se décide à s'en séparer. L'ALMANACH ROYAL ET NATIONAL POUR L'AN 1842 nous apprend qu'il est Auditeur de deuxième classe puis Maître des requêtes au Conseil d'État, fonction héritée de son grand père, domicilié au 5, rue de la Madeleine à Paris, et est Membre Permanent du Jockey Club à Paris. Au moment de la vente, il a déménagé au 5, rue Royale.
Entre autres, Il publiera plus tard deux livres importants sur la chasse :
Il vendit donc, en 1844, la propriété de Rebel Oiseau au Comte puis Marquis de la Fare . A la date de son acquisition, le domaine contient 438 hectares. Celui-ci y fit construire le "Château de la Fertilité", très probablement en utilisant une partie des éléments architecturaux préexistants, telle que la tourelle, et en y ajoutant des éléments de confort plus actuels, pour accueillir sa nombreuse famille, et consolida le domaine en achetant de nouvelles terres. La surface totale du domaine à cette époque n'est pas connue avec certitude, mais on peut l’estimer à environ 600 ha.
Après son décès en 1871, sa famille commença à vendre le domaine, avec une première transaction en 1887, vendant Les Cris (environ 2 ha), puis une seconde en 1888, cédant environ 90 Ha (Les Verseaux, les Ragonneaux, etc.)
Le reste du domaine fut plus tard séparé en deux et également vendu.
L'année exacte de ces ventes n'est pas connue, mais on sait qu'en 1913, la veuve de Emile Cathelain (née Garny) est propriétaire de 320 ha. (Petit et Grand manoir, la Pichotière, la Flinière, Petits et Grands Roussets, etc.) Elle finira par les vendre à Marcel Boussac en 1928. (6)
De même, le Château de la Fertilité, devenu "Château de Rebel Oiseau" avec 152 ha et sa ferme (incluant La Glandée, Champ des Cailloux, Marais de Rebel Oiseau, etc.) appartient en 1913 à Eugène Chenu. Le tout sera légué en indivision en 1926 à André Narbonne qui fut maire d'Adon de 1929 à 1935. (6)
(1) Minutier Central des notaires de Paris, Archives Nationales
(2) FONDS 8J FAMILLE DE BOIGNE (1744-1996) Répertoire numérique détaillé Réalisé par Edouard VASSEUR, Conservateur stagiaire Sous la direction de Jean LUQUET, Conservateur, directeur des archives départementales de la Savoie et de Francine GLIERE, Chargée d'études documentaires, adjointe au directeur des archives départementales de la Savoie Chambéry Archives départementales 2001
(3) Bibliothèque municipale de Lyon (Bibliothèque jésuite des Fontaines)
(4) Source : http://wtl1815.olympe-network.com/main.php#
(5) Biographie universelle, ancienne et moderne ...: Ouvrage rédigé par plus de 300 Collaborateurs, nouv. Éd. (revue), corrigée et considérablement augmentée, Volumes 5 à 6 1847 (Livre numérique Google)
(6) Archives municipales
1. mary66 le 20-07-2012 à 22:17:26
Je trouve votre blog très intéressant, j'aime bien ce genre de recherches, c'est passionnant.
Mary
Les Maires d’Adon
De 1792 à 1871, la mise en place des maires de communes a suivi un chemin tortueux et changeant. Pour les petites communes, tantôt élus par le conseil municipal, tantôt nommés par le Préfet, c’est après 1871 que le système se stabilise dans une forme très proche de celle que nous lui connaissons aujourd’hui.
1795 – 1803 xx BOLAND
1803 – 1808 Louis VINCENT
1808 – 1834 Etienne SOUESME
1834 – 1843 Jean Baptiste MOLLIERE DE THUGNY
1843 – 1855 Victor SOUESME (Nommé)
1855 – 1858 Michel JALLOT (Nommé)
1859 – 1870 Adolphe de la FARE (Nommé)
1871 - 1886 François RAMEAU de St PERE (Nommé)
1886 – 1897 Arthur JAUPITRE
1897 – 1900 Jean Pierre GUÉ
1900 – 1912 Arthur JAUPITRE
1912 – 1921 Albert GRESSIN
1921 – 1929 Georges RIDEL
1929 – 1935 André NARBONNE
1935 – 1943 Henri MARNIER
1943 – 1977 Auguste BAILLY
1977 – 1995 Paul VILAINE
1995 – 2010 Guy SEPARI
2010 - Philippe COIGNET
Source : Archives Municipales
Les Curés d'Adon
Cette liste a été obtenue en grande partie par l'analyse des registres paroissiaux dont le plus ancien remonte à 1629.
Ayant probablement disparus, ceux des années 1633 à 1651 et 1682 sont manquants. De même, il y a des lacunes dans les registres des années 1670, 1674 à 1681, et 1690 à 1692.
Jusqu'en 1958, les services des périodes entre le décès ou le départ du desservant en titre et son remplaçant, pouvant aller de quelques jours à quelques mois, sont assurés par les moines de La Bussière, les chanoines de Châtillon sur Loing, le curé de Feins et, plus rarement, le curé de Dammarie.
L'abbé Papillon fut le dernier des curés résidant au presbytère d'Adon et en charge de cette seule paroisse.
Nom Années Services les plus longs
Bailey 1610
Pierre Jousset ? à 1626
Intérim des chanoines de Châtillon 1626 à 1629
Lallemand 1629 à ?
???
Nalleau 1652 à 1663
Bidault 1663 à 1668
Pierre le Comte 1668 à 1673
Intérim par plusieurs chanoines de Châtillon,
Et les curés de Feins et de la Bussière 1673 à 1676
Bérenger 1676 à 1681
Jean Pardet 1681 à 1682
Jacques André * 1683 à 1685
François le Camus* 1685 à 1695
Edme Imbert* 1695 à 1705
Thomellier 1705 à 1706
Pierre de Moncelle 1706 à 1710
Antoine Ozon 1710 à 1757 47 ans
Jean Etienne Genet 1757 à 1782
Benoist Etienne Menu de Bourrée 1782 à 1785
Pierre Etienne Souesme** 1785 à 1813
Claude Eleonor Mallet 1814 à 1823
Augustin Habert*** 1839 à 1848
Louis Mathurin Bernardin 1848 à 1858
Pierre François Duchateau 1858 à 1861
Magloire Champeaux 1861 à 1869
Paulin Gourdet 1869 à 1919 50 ans
Joseph Papillon 1919 à 1958 39 ans
-----------------------------------------------------------------------------------------
Maurice Picou 1958 à 1964
Guy Léger 1964 à 1982
Bernard Arbre 1982 à 2004
Jean-Luc Poulain, Doyen du secteur 2004 à 2008
Messian Huret, Doyen du secteur 2008
* Ces prêtres ont été inhumés dans l'église.
** Durant la période révolutionnaire, le Père Souesme eut quelques temps le statut d' "Officier Public". Comme on le voit sur sa signature, il continua d'ajouter la mention "Curé" qu'on lui fit rayer après coup...
***Augustin Habert était également curé de La Bussière
Sources : Archives Diocésaines Orléans, Registres paroissiaux d'Adon (Archives Départementales du Loiret, Registres d'Etat Civil - Adon, Archives famille Bourgeois/Rameau( ADL)
Les Evènements Climatiques
Il ne s'agit pas, dans ce chapitre, de faire l'inventaire exhaustif de tous les aléas climatologiques qui parsemèrent notre région durant les cinq ou six siècles passés. Un livre écrit par Karine Pinault (1), dont une partie de cet article est inspirée, est de ce point de vue, remarquable.
Il s'agit plutôt de mettre en exergue quelques évènements particulièrement marquants qui eurent des conséquences très importantes pour la population d'Adon. En effet, 90% de celle-ci, comme partout en France, vivait de l'agriculture, qui, on le sait, dépend pour beaucoup, du climat.
En particulier les informations dont nous disposons pour les 17e et 18e siècles, qui furent une succession d'années désastreuses (on parle d'ailleurs d'un « petit âge glaciaire ») devraient nous aider à quelque peu relativiser nos propres angoisses dès que nous apercevons 10 cm de neige ou des températures atteignant les -10°C!
Le Grand Siècle
Au 17e, trois aléas majeurs ont marqué les vies des Adonais.
Tout d'abord, l'hiver 1607/1608 a été très rigoureux, considéré longtemps comme le plus froid du siècle. On a noté qu'à Sully sur Loire, le vin gelait dans les caves. Le quart des animaux de ferme meurt de froid et de faim faute de fourrage. La Loire gèle sur 60 cm de profondeur, et les charrettes peuvent la traverser sans passer par les ponts.
Puis en 1684, l'année commence par un mois et demi d'un hiver extrêmement froid, comparable à celui de 1608, avec les mêmes conséquences. Mais comme si cela ne suffisait pas, une grande sécheresse a suivi en Mai et Juin.
Pour finir le siècle, les années 1693 et 1694 furent en France le théâtre d'une grande famine : la récolte de 1693 avait été plus que médiocre. L'hiver 1694 fut très rude, suivi par un printemps sans pluies. Dès le mois de Juin, les réserves de céréales sont épuisées dans la plus part des villes françaises.
Pour Adon, c'est surtout le froid qui fit augmenter le rythme des décès, en Février et Mars.
Mais le pire est encore à venir.
Le Siècle des Lumières
Passant au 18e, l'année 1708 est très pluvieuse, et les récoltes de céréales sont à peine équivalentes à la moitié d'une année moyenne. La spéculation se met en route et la cherté du pain commence à se faire sentir dès l'automne, menaçant la population d'Adon comme celle du reste du royaume. Et le "Grand Hyver" démarre.
Dès le 6 Janvier 1709, il fait -7°C, il tombe 30 cm de neige. Puis le froid s'intensifie : on relève -20°C, puis -25°C le 13 Janvier. La Loire gèle par endroits sur 1,30m de profondeur !
Les arbres, surtout les fruitiers, mais pas seulement, gèlent sur pieds, les blés semés en Automne sont tous perdus.
Le prix des denrées de base explosent, et les registres de décès aussi : 900 000 morts dans toute la France (soit 5% d'une population de 19 Millions d'habitants) entre 1709 et 1710.
Mais pour Adon, c'est une catastrophe ! Le tableau ci-dessous donne une vue très explicite de la situation vécue par les Adonais, 1708 étant l'année « normale » de référence :
Année Baptêmes Inhumations Population totale (environ)
1708 19 9 400 (2)
1709 7 36
1710 8 100
1711 20 25
1712 25 22
1713 15 26
Registre Paroissial : AD du Loiret
En deux ans, Adon a perdu environ 35% de sa population, morte de faim, de faiblesse et de maladies. Les victimes étaient de tous ages, mais les enfants en particulier, furent très touchés. Pendant les mois d'hiver, les inhumations au cimetière entourant l'église se succèdent à un rythme infernal, jusqu'à 4 ou 5 par jour !
Le registre paroissial qui d'ordinaire compte 4 à 5 actes par page contient 10 ou 11 actes d'inhumation, en tristes rangs serrés, dans une suite qui parait sans fin. Le curé lui-même, Pierre de Moncelle, succombera le 18 avril 1710, à l'age de 42 ans, avec 2 autres paroissiens.
Ainsi qu'on peut le voir dans le tableau, trois ans après le pic de la disette de 1710, le nombre de décès est encore supérieur aux naissances. Il faudra attendre 1715 pour que les naissances reprennent le niveau de 1708 et que le nombre de mariages explose.
Mais les habitants d'Adon n'en avaient pas encore fini avec les catastrophes !
En effet, en 1714, c'est la sécheresse qui les menace. On trouve dans le registre paroissial le texte manuscrit suivant, écrit par Antoine Ozon, curé d'Adon, successeur de Pierre de Moncelle:
"En cette année 1714, depuis Juin il y a eu une si grande sécheresse que tous les peuples appréhendant pour leurs grains qui périssaient visiblement et les laboureurs ne pouvant plus (???), les moulins en partie ne pouvant moudre, le canal ne pouvant plus porter les bateaux avec les charges ordinaires, un nombre considérable de processions de plusieurs diocèses ont eu recours dans cette tribulation universelle à la très Sainte Batilde (sic), connue sous le nom de Sainte Berthe, de la quelle la plus part des paroisses ou toutes ensemble ont reçu une protection particulière.
A Adon, un secours de la Miséricorde de Dieu y ayant eu, à plusieurs jours différents, des nuages épais qui ont donné abondamment de l'eau pour sustenter les biens de la terre et soulager les peuples dans cette tribulation universelle sans qu'il y ait eu de grands orages. Ces processions ont été celle de Gien, de Blaineau(sic), d'Auzoy sous Trésée (sic), de la Bussière, d'Ecrignelle jointe à celle d'Auzoy, de Ste Esoge(sic)(3) jointe à celle de Blaineau, de Feins, de Rogni(sic), de Dammarie, de Saincte Geneviève, d'Adon, d'Arabloy, de Chatillon sur loing, de Briare, des Choux. Fait ce cinquième jour d'Aoust de la mesme année 1714 A. Ozon"
La récolte fut donc sauvée, mais c'était de peu !
Le 19 Octobre 1726, ce n'est pas une catastrophe qui effraie les habitants mais un phénomène rarissime dans nos latitudes : une aurore boréale ! Nous n'avons pas de témoignage direct sur Adon, mais voici ce qu'a écrit le curé de Ferrières en Gatinais :
« Le 19e Octobre 1726 à six heures du soir il faisait très noir comme il devait faire, le soleil se couchant à 5h 17 minutes et la lune ne devant s'élever qu'à minuit et sur les 7 heures et demie le dit jour 19e Octobre au soir il parût l'endroit où s'était couché le soleil une espèce d'arc-en-ciel qui se terminait où la lune devait dans son temps se lever. Le centre de cet arc était le septentrion et il sortait de cet arc des fumées blanches et resplendissantes; enfin, sur les 9 heures, l'on vit l'hémisphère septentrional tout rempli de flammes et tout le ciel en feu; dans bien des paroisses les curés trop faciles accordèrent à leur peuple de porter en procession le saint Sacrement. Ici quelques personnes se lamentèrent et parlèrent très fort de la fin du monde. Ce phénomène dura jusqu'au lever de la lune. MM. de l'observatoire n'ont rien dit; tout le monde attend leur raisonnement sur cette apparence de feu; ce qui est sûr est qu'on attribuera et on fera signifier les choses qui arriveront à ce phénomène »
On sait aujourd'hui que ce phénomène fut visible dans une grande partie de l'Europe, jusqu'à Cadix en Espagne et Rome en Italie.
L'hiver de 1788 démarre dès la fin Décembre avec -18°C. Précédé une nouvelle fois par des récoltes médiocres; Une fois encore, à la fin du printemps 1789, la population des villes est une fois de plus mise à rude épreuve, et cette fois, c'est la crise de trop...
Adon semble néanmoins ne pas avoir souffert de cette situation, les registres ne montrant pas d'activités mortuaires hors de l'ordinaire.
Le 19e
Changeant de nouveau de siècle, le ciel montre une nouvelle fois ce dont il est capable, et une immense comète est visible à l'œil nu, le 24 Septembre 1811. Les Adonais qui ont quelques pieds de vigne pour leur vin quotidien s'en sont tous réjouit : grâce, dit-on, à la comète, le millésime fût exceptionnel !
Source: Gallica
Finalement, c'est en Juillet 1819 qu'on déplore une nouvelle catastrophe. En effet, les 7 et 8 Juillet, des orages monstrueux éclatent, rasant tout sur leur passage.
Adon fait partie des communes touchées par des grêlons dont la taille minimum était d'une grosse noisette mais dont la plus part avait la grosseur d'œufs de poule ! Tout est dévasté et le préfet du Loiret lance une souscription publique pour venir en aide aux sinistrés :
Source: AD du Loiret
(1) Les catastrophes météo du Loiret - Edition Archives & Culture
(2) Le compte est de 100 "feux", soit environ 400 personnes.(3) Il s'agit de la paroisse de St Eusoge, sur la route de St Fargeau, à l' Est de Rogny les sept écluses
Famille d'Adon: Bourgeois - Rameau de St Père (1)
La lente construction du domaine familial
Aucune famille n'a marqué aussi fortement et aussi longtemps l'histoire du village d'Adon. En effet, son aventure patrimoniale débute dans les années 1470 et, bien que sous une forme beaucoup plus restreinte, dure encore aujourd'hui, soit plus de cinq siècles !
De même, l'histoire de la Chapelle Sainte Berthe près d'Adon est indéféctiblement liée à cette famille puisqu'elle en a possédé les terrains pendant tout ce temps.
Le document laissé par Rameau de St Père en 1875 sur cette histoire est particulièrement édifiant. Nous en publions ci dessous de très larges extraits, tant les faits relatés sont intéressants.
Histoire d'une famille de petits propriétaires du Gâtinais depuis le commencement du XVIe siècle jusqu'à nos jours, par M. RAMEAU.
"...à la fin du XVe siècle, vivait à Gien-sur-Loire une famille de tanneurs nommés Bourgeois: D'après les usages connus de l'époque et les transmissions professionnelles, qui étaient de tradition dans les familles, il est probable, vu l'aisance qui paraît avoir régné déjà dans la maison, que les Bourgeois étaient engagés dans les opérations de la tannerie depuis plusieurs générations. Le premier dont les actes de la famille fassent mention, est Jean Bourgeois, dont nous avons deux actes authentiques, l'un en 1470, l'autre en 1478. Son fils, Thibaut Bourgeois, épousa Marie Heurte, qu'il laissa veuve en 1490, avec deux fils, Jean et Thibaut. Déjà, à cette époque (1480), la famille Bourgeois possédait à quatre lieues de Gien, sur la paroisse d'Adon, un petit domaine nommé le Petit-Tallot ; ce domaine pouvait comporter à cette époque 100 arpents, environ 50 hectares. Mais les propriétaires s'employaient avec une persévérance économe et industrieuse à l'agrandir, ainsi que nous allons le voir.
Source: Archives Municipales
Tous les profits de la tannerie étaient évidemment consacrés à cette oeuvre de famille; nous ne pouvons établir, il est vrai, que des suppositions pour les temps qui précédèrent 1480, mais nous voyons alors Thibaut Bourgeois et sa femme, Marie Heurte, s'appliquer à acheter autour de leur ferme toutes les parcelles de terrain qu'ils peuvent trouver à vendre.
De 1487 à 1517, nous possédons neuf actes d'achat faits par eux, et une autorisation pour construire un moulin, donnée par Coligny, alors Seigneur de Châtillon sur Loing.
Le moulin de Tallot en 1904
Le veuvage de Marie Heurte n'arrêta point le cours de cet agrandissement, au contraire, car la plupart des achats que nous connaissons sont postérieurs à son veuvage. Ces acquisitions avaient pour objet des portions de terre assez minimes, car les neuf actes comprennent 12 arpents (6 hectares) et une maison. Marie Heurte mourut dans les environs de 1517.
De ses deux fils, Jean et Thibaut, nous ne connaissons que les noms, soit qu'ils n'aient pu poursuivre les projets d'agrandissement de leurs prédécesseurs, soit que leurs actes aient été perdus. Jean, l'aîné, laissa trois fils, Jacques, Jean et Pierre, et nous n'avons non plus aucun acte de cette génération, qu'il soit important de relater ici ; mais Jacques Bourgeois, l'aîné de ses fils, laissa, en 1579, soixante ans après la mort de Marie Heurte, quatre enfants, tous remarquables pour leur activité et leur esprit d'entreprise, et dont deux surtout vont fixer notre attention :
L'un, Jacques, l'aîné de la famille, et toujours tanneur à Gien ; l'autre, une fille nommée Catherine, qui épousa un habitant de la ville, nommé Chrysostome Bouzy.
Tous les deux se trouvèrent, en 1579, propriétaires par indivis de l'héritage patrimonial. Peut-être ce domaine avait-il été encore agrandi dans l'intervalle. Nous ne pouvons rien affirmer à cet égard quoique tout donne lieu de le présumer; mais l'époque à laquelle nous sommes parvenus, nous apporte de nouveaux et nombreux titres d'acquisition.
Jacques Bourgeois, et surtout Catherine Bouzy, sa soeur, paraissent avoir pris fort à coeur l'oeuvre de famille, qui se poursuivait au Petit-Tallot depuis cent cinquante ans. De 1584 à 1594, ils achetèrent, en six reprises différentes, 18 pièces de terre contenant ensemble 13 arpents (6 hectares et demi).
A cette époque, 1594, Catherine Bouzy, qui était devenue veuve, prit avec son frère Jacques des arrangements qui la laissèrent seule propriétaire du Petit-Tallot, et elle reprit alors, avec une nouvelle activité et persistance, l'entreprise séculaire à laquelle elle prenait le plus vif intérêt; de 1594 à 1622, époque de sa mort, nous avons d'elle vingt actes d'acquisition comprenant, en 20 pièces de terre, 34 arpents ou 17 hectares.
La plupart de ces acquisitions varient, comme les précédentes, d'un quart d'arpent à 2 arpents; une seule s'élève à 12 arpents ou 6 hectares. A sa mort Catherine Bouzy ne laissait qu'un enfant, une fille nommée Catherine, comme elle, qui avait épousé un sieur Malingre de Launay, dont elle n'avait pas encore d'enfant. Tel était chez Catherine Bouzy le sentiment de la famille et du foyer domestique, et le dévouement aux plans traditionnels qui se poursuivaient depuis si longtemps dans la maison, que, prévoyant le cas où sa fille mourrait sans enfants, elle lui commanda de disposer de son bien de manière à ce qu'il rentrât dans la famille Bourgeois, de façon que les Bourgeois ne pussent le vendre qu'à des frères ou à des cousins mâles du nom de leur famille. (Testament de 1650, dernière page.)
Catherine de Launay mourut, en effet, sans enfants, en 1650, en exécutant de point en point les volontés de sa mère, par un testament fort remarquable que nous avons sous les yeux, par lequel elle enjoint à son cousin Jacques Bourgeois et à ses héritiers, de conserver le lieu de Tallot et de continuer l'oeuvre de leurs grands parents.
...Permettez-moi de vous citer ici quelques phrases du testament de Mme de Launay, dont je vous parlais tout à l'heure; vous y saisirez dans le vif quelles étaient les préoccupations et les vues que suivaient ces familles bourgeoises dans ce travail obstiné et séculaire.
« Je donne à mon cousin Jacques Bourgeois le lieu de Tallot et l'Estang de la Pionière, et la maison de Gien, etc., etc...,
« Et tous les meubles qui se trouveront au lieu de Tallot, de quelque qualité qu'ils soient, à la charge et condition qu'il ne vendra point les fonds, ni lui ni ses descendants, et ne coupera point de bois que pour accommoder les bâtiments et les estangs ; il pourra couper du bois mort pour se chauffer ; il pourra vendre les taillis et les aulnes; « Et s'il en dispose autrement, je donne tout pouvoir aux collecteurs de l'église de la paroisse de s'emparer du revenu du bien vendu pour la nourriture des pauvres. »
CODICILLE.
« Je donne tout pouvoir aux enfants de mon cousin Bourgeois de vendre les fonds que j'ai donnés à leur père, de frère à frère et non de beau-frère à beau-frère, ou bien à des cousins qui porteront le nom de Bourgeois, et c'était mon intention de le mettre en l'article ci-devant, et par le commandement de défunte ma mère, qui a enchargée de le faire ainsi.
« J'ai vu et relu mon testament, et veux qu'il soit exécuté en la forme qu'il est écrit de ma main.
Fait le 7 janvier 1649. »
Il n'a été conservé d'ailleurs de Mme de Launay aucun autre acte que son testament, de sorte que nous n'avons aucune donnée précise sur les achats qu'elle à pu faire pour continuer l'agrandissement du domaine; mais nous savons qu'au moment de sa mort, en 1650, il contenait environ 250 arpents (NDLR : 125 ha), de telle façon que, dans l'espace de moins de deux cents ans, et par le travail assidu de six générations, le Petit-Tallot avait plus que doublé d'étendue; on ne peut pas évaluer à moins de cinquante les actes d'achat auxquels cet agrandissement donna lieu, transactions opérées avec plus de trente propriétaires différents...
Source: Archives Départementales du Loiret
...Voici donc le domaine du Petit-Tallot rentré dans la famille Bourgeois, dont il était sorti nominalement, au moins pendant cinquante ans ; celui qui était le légataire de Mme de Launay était son cousin germain, Jacques Bourgeois, le propre fils de cet autre Jacques Bourgeois, le frère de sa mère, qui avait été, avec elle, propriétaire indivis de ce domaine jusqu'au partage qu'ils avaient fait aimablement en 1594.
Mais il ne faudrait pas croire que ce frère de Catherine Bouzy eût abandonné la propriété à sa soeur pour se retirer dans sa tannerie, et s'y cantonner dans une vie casanière. Non ; s'il séparait ses intérêts de ceux de sa soeur, c'est que lui-même commençait, en ce moment, une nouvelle entreprise territoriale, qu'il poursuivit, ainsi que ses enfants, avec l'énergie et l'esprit de suite qui paraissent avoir distingué sa famille. Dans cette opération, nous allons retrouver, quoique sous des formes diverses, les mêmes circonstances, le même esprit, le même travail que nous avons constatés dans les pages qui précèdent.
Dans cette même paroisse d'Adon, à 2 kilomètres environ du Petit-Tallot, se trouvait un quartier ou hameau appelé les Beaugets : ce quartier appartenait depuis de longues années à une famille nommée Beauget, qui lui avait donné son nom; les nombreux descendants de cette famille s'étaient multipliés, et successivement établis les uns à côté des autres, mais sans ordre, sans méthode, par une agglomération confuse, formant une sorte de tribu sur l'héritage patrimonial ( un grand nombre de hameaux en France n'ont point eu d'autre origine). Nous aurons plus loin l'occasion de nous occuper de cette famille avec plus de détails ; qu'il nous suffise de dire ici que, de cette agglomération inordonnée (sic), résulta un état de la propriété peu régulier et indéterminé qui fut très fâcheux pour les malheureux Beauget; soit que les uns restassent dans l'indivision, soit que les autres fissent des partages indiscrets et mal conçus, cette famille, ou plutôt cette tribu, vit sa situation s'empirer de plus en plus, et, au milieu du XVIIe siècle, elle était déplorable.
Le patrimoine, des Beauget avait pour origine, elle est mentionnée dans un des titres, une concession de terre faite à une date qu'il est difficile de déterminer, mais qui probablement remontait à plusieurs siècles avant 1600.
Cette concession fut faite par le Seigneur de la Bussiere à un chef de famille nommé Beauget, moyennant 2 sols de rente et 2 deniers de cens par chaque arpent, avec profit de lods et ventes quand le cas y échoit.
Beauget donna son nom à la nouvelle demeure qu'il créa, ou plutôt, on donna à cette demeure le nom de ses descendants, et comme ils vivaient tous ensemble, groupés dans leur patrimoine, on l'appela le lieu « Des Beaugets », puis « Les Beaugets ».
Cette demeure, foyer central de la famille, était bâtie, selon l'usage de l'époque, en bois et torchis, au milieu d'un vaste espace de 10 à 12 hectares, qui restait vacant et sans culture, et qu'on appelait le pâtis en communauté. Nous l'avons encore vu presque dans son intégrité, ombragé de chênes énormes, dont quelques-uns survivent (NDLR : en 1875), de 4 à 5 mètres de circonférence !
A mesure que les enfants se mariaient, on traçait dans ce pâtis un petit carré enfossoyé (sic) qui devait renfermer la nouvelle demeure de la nouvelle famille, avec un jardin. Il s'accumula ainsi, par le cours des générations, autour du logis principal, une quantité de petites maisons ou même de cabanes ; quant aux terres et prés, tantôt ils restaient dans une sorte d'indivision, tantôt ils se partageaient de la manière la plus désordonnée par parcelles entremêlées. Après cinq ou six générations, le pâtis des Beaugets formait donc une sorte de hameau, dont le logis primitif faisait le centre, et autour duquel se groupaient les maisons, cabanes ou huttes de toute forme d'une véritable tribu qui rappelle les clans de l'Ecosse.
Vers la fin du XVIe siècle, nous trouvons constatées, dans trois actes, vingt-cinq familles du nom de Beauget, existant sur le lieu, sans compter un certain nombre de familles venues du dehors, par alliances. Mais combien ne sont pas mentionnées dans cet acte, combien avaient déjà quitté le territoire patronymique du vieux clan !
Ce fut alors que Jacques Bourgeois conçut l'idée de se former au milieu de cette masse confuse un domaine nouveau; lui, son fils et son petit-fils y travaillèrent assidûment de 1600 à 1700, opérant, de concert en ceci avec leur cousin, Jean Bourgeois, propriétaire dans un autre hameau voisin, et de même nature, nommé les Bellots.
Ici l'entreprise des Bourgeois revêt un caractère particulier : non seulement ils achètent des terres, des parcelles de terre, comme au Petit-Tallot, mais ils opèrent en grand, en achetant des parts d'héritage, des droits de succession, au milieu de cette masse confuse des diverses branches des Beaugets, et c'est en enfonçant ces coins judiciaires dans le bloc informe et inordonné de la communauté, qu'ils achèvent la dislocation de cette malheureuse tribu, victime de ces lois successorales qui livrèrent toujours sans défense les familles les plus débiles, et les moins intelligentes, aux mains des plus adroits et des plus forts. Je ne puis entreprendre ici de vous faire l'histoire de ce petit drame social qui se poursuivit pendant plus d'un demi-siècle.
Je me contenterai de vous exposer qu'à cinq reprises différentes les Bourgeois achetèrent des droits de succession ou des parts d'héritage, ce qui détermina des poursuites, des frais, des ventes, qui peu à peu les rendirent maîtres des biens de plusieurs fractions de cette antique communauté. Nous trouvons en outre dix à douze actes d'achats amiables pour des parcelles déterminées variant en étendue de un à neuf arpents, et il est probable qu'il nous manque un grand nombre d'actes, surtout dans la période de 1600 à 1650.
Jacques Bourgeois, le frère de Catherine Bouzy, celui qui commença l'opération des Beaugets, eut pour fils un autre Jacques, qui continua assidûment l'oeuvre de son père; ce fut à lui que sa cousine Catherine de Launay légua le Petit-Tallot, comme nous l'avons vu, et il laissa ce domaine, ainsi que toutes les acquisitions faites aux Beauget, à ses deux fils Pierre et Jacques en 1664. Ceux-ci achevèrent l'oeuvre de leurs pères; presque tous les membres de la famille Beauget étaient déjà alors dispersés ou avaient quitté le pays ; en 1668, il ne restait plus sur les terres de l'ancien territoire que quelques individus isolés et un vieux chef de famille, Antoine Beauget, dont les affaires étaient dans le plus grand désordre; à sa mort, la succession, fut abandonnée par les enfants, pour éviter les grands frais qu'elle eût entraînés, ainsi qu'ils nous en avertissent.
Poursuivie par les frères Bourgeois, qui étaient créanciers, et peut-être co-intéressés, la succession fut vendue aux enchères et achetée, chose singulière, par un gentilhomme écossais nommé Hepbume, qui demeurait alors en ce pays ; mais l'année suivante, Pierre Bourgeois lui racheta toutes les terres et maisons qui avaient appartenu au malheureux Antoine Beauget. Ces débris de patrimoine de la vieille tribu montaient encore, d'après le recollement de la saisie, à 75 arpents ou 37 ha environ, et je vais vous citer ici textuellement le début :
« Les bâtiments consistent en maison à demeure, où il y a four et cheminée, grenier au-dessus, dont partie des chevrons et couverture sont tombés, une étable à vaches et bergerie, etc., etc.
« La grange, avec une étable y tenante, couverte de tuiles, et une masure couverte de paille en mauvais état.
Et ailleurs : .... « Un quart de la maison où demeurait le défunt dudit lieu, à prendre par la moitié de la poutre, ledit quart à prendre du côté du midi où est la porte d'entrée, et l'acquéreur sera tenu de faire recouvrir ledit quart en roseaux à «la Toussaint prochaine. »
Et ailleurs encore : .... « Est abandonnée la moitié d'une place d'eau où il y a eu autrefois un petit étang, qui est à présent en ruine, ayant encore l'apparence d'une chaussée qui est coupée à l'endroit où était la bonde. »Et ailleurs, partage du 1er avril 1655...... « Et derrière ladite maison une petite grange, entre Jacques Bourgeois et Jean Bourgeois, des Bellots, tombant en ruines, tenant aux héritiers de la veuve Bellot et aux cours et communautés des Beaugets ».
Ces simples lignes peuvent assez faire préjuger dans quel état de décadence, de désordre et de ruine était tombée cette propriété. Le détail de cet acte et la description des objets saisis témoignent aussi de l'intensité et de l'activité du travail opéré dans ce quartier par les Bourgeois, depuis l'an 1600 ; ils avaient si continuellement acheté, à droite et à gauche, par bloc et par parcelles, qu'ils se trouvaient partout entremêlés avec les héritages des Beauget, et il n'est presque aucune pièce de terre mentionnée dans la saisie, qui ne soit contiguë à une autre qu'ils avaient précédemment acquise.
Source: Archives Départementales du Loiret
L'ensemble des achats qu'ils avaient ainsi opérés s'élevait alors, en y comprenant ce dernier effectué en 1668, à environ 300 arpents ou 150 hectares; mais cette étendue ne représente pas la totalité du patrimoine des Beauget; plusieurs habitants du pays qui avaient épousé des filles de la famille, purent conserver les lopins de terre qui leur avaient été attribués. Un d'entre eux même, nommé Guilbert, conserva une petite métairie construite sur les pâtis et communs des Beauget, avec environ une trentaine d'arpents, et ses descendants s'y maintinrent encore plus d'un siècle; mais il était dit que la famille Bourgeois devait entièrement supplanter ces malheureux Beauget; la fille de Pierre Bourgeois, Rémonde, épousa un sieur Vannier, dont la petite fille, Madame Bricon, acheta, en 1812, ce dernier débris de la tribu et communauté des Beauget, qui se dressait encore au milieu des terres de la grande ferme des Beaugets, constituée et organisée par les efforts longs et obstinés de ses aïeux.
Mais, dès 1668, l'oeuvre était en réalité accomplie, et avec les débris de 80 petites propriétés, soit en portions déterminées, comme au Petit-Tallot, soit indivises comme aux Beaugets, les gros marchands de Gien étaient parvenus à fonder deux grandes fermes agglomérées, d'une importance de 120 à 150 hectares chacune, qui existent encore aujourd'hui entre les mains de leurs descendants. (NDLR : en 1875)
...De temps à autre quelque famille vendait sa part et ses droits pour aller s'établir ailleurs; plusieurs fois, même, nous voyons mentionner des maisonnettes abandonnées et en débris. C'est en cet état que les Beaugets furent atteints par la dislocation et par la ruine; et je n'ai pas besoin de vous rappeler les détails qui sont encore présents à votre esprit, pour vous faire comprendre comment la loi et la coutume des partages successoraux influèrent d'une manière puissante et désastreuse sur cette malheureuse destinée. A la suite des dernières expropriations, tous les Beauget quittèrent si parfaitement la contrée, qu'on ne trouve plus ensuite aucune trace de leur nom; ils se dispersèrent, de côté et d'autre, et après avoir consommé le mince produit de leurs parts successorales, ces hommes sont nécessairement devenus la souche de beaucoup de malheureux journaliers qui ont vécu désormais sans traditions, sans foyers, au hasard des circonstances, ayant peut-être même perdu jusqu'à leur nom patronymique sous quelque sobriquet de hasard. Aujourd'hui toutes les maisonnettes ont disparu, les fossés qui clôturaient les petits jardins sont comblés, le souvenir, la trace même de toutes ces familles qui formaient un hameau joyeux sont effacés ; au milieu du Grand Pâtis désert, s'élève solitaire la grande ferme qui a remplacé le manoir rustique du chef des paysans, dont il ne reste plus que l'énorme grange en bois, à travers laquelle les vents d'hiver sifflent depuis des siècles, sans pouvoir la renverser ! ..."
Après le décès de François Rameau de St Père en 1899, suivi de celui de son épouse en 1926, la tradition séculaire s'est finalement interrompue. Le domaine qui fit l'objet d'un inventaire en Juin 1900 pour un total de 526 ha, fut scindé entre leurs trois filles, intégrant les familles Decencière-Ferrandière, Milou et Dubois de la Sablonière.
La plus part des possessions ont depuis été vendues au cours du 20e, seuls les Beaugets, soit environ 122 ha, font encore partie, en ligne indirecte, du patrimoine familial hérité.
Familles d'Adon: Bourgeois - Rameau de St Père (2)
François Edme Rameau de St Père
Sa Généalogie
Rameau de St Père est issu d'une famille originaire de la Nièvre. Son aieul, Jean Rameau, était établi notaire à Donzy en 1660. Il eut un fils, Louis, né en 1667. Médecin, Secrétaire de l'intendant de Normandie puis du Poitou, celui ci acheta en Juin 1712, les Château et domaine de St Père, près de Cosne sur Loire, qui avait appartenu pendant deux siècles à la famille d'origine écossaise d'Estutt (1).
Le chateau de St Père près de Cosne sur Loire (58) Hier... ...et aujourd'hui (source: Wikipedia)
Son fils, Jean Louis Rameau de Chassenait, décédé en 1781, était Président en l'élection de Gien, et Subdélégué de l'Intendance à Cosne. Il eut un fils, François Louis Rameau de Chassenait (2). Né en 1742, celui ci fut également médecin et maire de Gien. Il épousa Marie Anne Bricon, l'héritière de la famille Bourgeois, qui avait patiemment construit les domaines des Tallot et des Beaugets à Adon.
Ils eurent deux fils, Louis Benjamin et Adolphe de Saint Père. L'ainé conserva le domaine et le château de St Père dans la NIèvre, le second s'établit à Gien. Décédé prématurément à 33 ans, il avait eu trois enfants dont François Edme Rameau de St Père, né en 1820, qui hérita du domaine familial.
Rameau de St Père par Benjamin Sulte
Il épousa en 1863, à 43 ans, Thérèse Camuzat de Brochaut, dont il eut 4 enfants: Louis Adrien, qui décéda adolescent, et trois filles, Marie Louise mariée à Pierre Dubois de la Sablonière, Jeanne qui épousa Eugène Milou, et Solange mariée à Félix Décencière-Ferrandière.
Sa vie
Rameau de St Père eut la chance de naitre dans une famille fortunée en héritant, non seulement de vastes domaines (plus de 800 ha répartis sur Adon et dans les environs de Bourges), mais aussi d'une fortune assez considérable. N'ayant pas besoin de gagner sa vie, il passa celle ci à l'étude et à l'écriture, mettant son temps au service de ses idées.
Celles ci, bien ancrées dans leur époque, consistaient à défendre les bienfaits du colonialisme, et à trouver les recettes pour un impérialisme réussi et triomphant.
Après avoir été actif dan sla colonisation de l'Algérie récemment conquise, il fut le premier historien à s'interesser à l'histoire des acadiens. Il se rendit en 1860 en Acadie, au Québec et en Louisiane. Durant les quarante années qui suivront, il ne cessera pas d'accorder son appui aux oeuvres d'éducation et de colonisation en Acadie.
Il lia de nombreux contacts en particulier avec le clergé avec lequel il servit d'intermédiaire avec Napoléon III pour des dons liés notamment à l'éducation.
Le Centre d'Etudes Acadiennes de l'université de Moncton au Canada détient les archives de la correspondance très fournie qu'a entretenu Rameau de St Père avec ses contacts américains.
Visiblement nostalgique de la vieille demeure familiale, le château de St Père près de Cosne sur Loire, qui avait échu à son cousin, il entrepris dès son mariage, en 1863, la construction du château de St Père à Adon, où le couple emménagea vers 1868.
C'est très certainement Adolphe Lanotte, maçon installé à Adon et devenu ami de Rameau de St Père, qui supervisa l'édification de cette grande demeure, qui possédait tout le confort moderne de l'époque.
Bien installé dans la commune d'Adon, il y fut conseiller municipal puis maire de 1871 à 1886, succédant et précédant à cette fonction, Adolphe de la Fare et Arthur Jaupitre, les deux autres notables ayant chacun construit un château sur la commune!
Il est d'ailleurs resté Conseiller Municipal jusqu'à son décès en 1899.
Quasiment inconnu en France aujourd'hui, sa mémoire reste encore très vivace au Canada francophone, et en particulier chez les Acadiens, ou il fit plusieurs séjours et sur lesquels il écrivit de nombreux articles et ouvrages qui font toujours référence aujourd'hui.
Son Oeuvre:
Les universitaires canadiens PIERRE ET LISE TREPANIER(3) ont publié en 1980 dans la revue Acadiensis, une analyse très fouillée de la vie et de la pensée de Rameau de St Père, dont nous reproduisons ci dessous quelques extraits:
" François-Edme Rameau de Saint-Père naquit en 1820 à Gien, sur les bords de la Loire. Ses ancêtres, tant du côté maternel que du côté paternel, étaient d'ancienne bourgeoisie: médecins, magistrats, propriétaires terriens. Il hérita d'une fortune assez considérable, qui lui permit d'échapper à la nécessité de gagner sa vie.
Son existence se partagea entre Adon, commune du Gâtinais (Loiret) sur laquelle se trouvaient une partie de ses propriétés, et Paris, où, jeune, il vint faire son droit. Notable rural et citadin à l'aise, il consacra son temps à l'action intellectuelle et, "ami du Canada", écrivit la première synthèse en français d'histoire d'Acadie. Son origine sociale et son éducation lui avaient inculqué, en même temps qu'un catholicisme robuste, le respect de la famille et de la terre.
Les milieux catholiques qu'il se mit à fréquenter dans la capitale dès le début de ses études le confirmèrent dans son nationalisme et son intérêt pour la colonisation agricole. Or, sous Louis-Philippe, la conquête et la pacification de l'Algérie constituèrent la principale entreprise d'expansion. C'était, aux yeux de Rameau, une chance de rétablir la position de la France sérieusement compromise depuis l'effondrement de son empire colonial en 1763. Rameau ne fit pas que s'intéresser à l'Algérie, il s'y rendit à plusieurs reprises, y acheta des terrains, écrivit un livre pour en promouvoir le peuplement par des Français et tenta de fonder une société "destinée à établir une ou plusieurs exploitations" dans cette nouvelle colonie.
La prise de la Smala d'Abd El Kader en 1843, par Horace Vernet
Puis, quand les circonstances lui firent préférer l'étude à l'action, il se livra à des travaux historiques pour découvrir les causes du désastre de 1763 car il fallait à tout prix réussir en Afrique ce qu'on avait raté au Nouveau-Monde.
Il ne reste de l'empire perdu d'Amérique, note-t-il en 1859, qu'un "regret douloureux": "La Providence nous avait assigné un rôle si magnifique, que nous n'avons pas su remplir".
L'impérialisme, chez Rameau, se présente d'abord comme un idéal exaltant: participer à "l'oeuvre de la civilisation et du peuplement du globe". Mais on y découvre aussi une volonté de puissance non dissimulée: l'empire perdu d'Amérique "nous eût assuré certainement une prépondérance incontestable dans le monde entier". La réflexion de Rameau se concentre sur un paradoxe:
"Ce n'est pas la colonie qui a succombé, c'est seulement la domination de la France"; les colons français, eux, "ont réussi". Pour élucider ce paradoxe, il instruit le procès de la métropole et défend la thèse de la supériorité du colon français: voilà les deux constantes, qui se retrouvent aussi bien en 1877 et 1889 qu'en 1859...
...En 1844, dans la générosité de ses 24 ans, il avait rêvé à l'Algérie comme à une terre encore vierge de civilisation européenne, patrie d'élection de l'expérimentation sociale.
Napoléon III en 1868 par Adolphe Yvon
En 1859, Rameau a 39 ans. Il a derrière lui une carrière de journaliste engagé, abruptement interrompue par l'avènement de Louis-Napoléon: il a ferraillé pour la démocratie chrétienne et même pour un « socialisme chrétien ». Partisan impénitent de 1848, il a goûté de la prison en 1851-52. Il a lu Proudhon, qui l'a influencé. Dégoûté de l'action politique, il consacre son temps à l'histoire et aux sciences sociales naissantes...
...Dans l'oeuvre de Rameau de 1859 à 1889, avons-nous dit, les constantes sont: le procès de la métropole et la thèse de la supériorité du colon français.
La France, soutient Rameau en 1859, "manqua. .. généralement à tous les devoirs que lui imposait la fondation d'une colonie" et qui consistent à promouvoir l'immigration, à faciliter son installation et à assurer sa sécurité. Or l'auteur caractérise l'action de l'Etat français par les termes suivants: incurie, délaissement, oubli, négligence, abandon, abstention, inertie, apathie, action complètement nulle...
...En 1877 et en 1889, le traditionalisme domine la pensée de Rameau, en tant qu'historien et en tant qu'idéologue. La thèse qu'il soutient alors a deux dimensions :
Une dimension historique: la féodalité a déterminé le courant de colonisation du XVIIe siècle et c'est ce système qui a été généralement suivi en Amérique du Nord par les Hollandais, les Anglais et les Français,
Une dimension idéologique: la féodalité est à maints égards exemplaire et devrait inspirer, après une nécessaire adaptation aux circonstances d'une époque différente, la réforme sociale et morale dont son temps a besoin. Dès 1859, Rameau admire l'institution seigneuriale, en qui il voit un excellent instrument de colonisation ...
L'importance du vocabulaire moral, dans l'oeuvre historique de Rameau, frappe le lecteur dès l'abord, qui s'en étonne de moins en moins à mesure qu'il prend conscience du rôle du binôme religion-morale dans cette oeuvre. La religion constitue le soubassement solide et permanent sur lequel se succèdent les constructions historiques de Rameau. En 1859, Rameau croit que l'ordre social a deux bases: la religion et la liberté, celle-là faisant contrepoids à celle-ci....
...Comme nous devions, en 1978, consulter les archives communales d'Adon, dont Rameau a été maire ou conseiller presque sans discontinuer de 1865 à 1899, nous en avons profité pour visiter le Château de Saint-Père et nous avons pu constater de visu l'état de délabrement lamentable dans lequel le laisse son propriétaire, M. Boussac. Le domaine de Saint-Père est en effet depuis longtemps sorti de la famille. La mort de son unique fils, Louis, à l'âge de 17 ans, en 1891, a détruit à jamais le rêve que caressait Rameau de continuer la dynastie terrienne dont il avait relevé le nom de terre et l'a forcé de violer ses principes en matière successorale. Aujourd'hui, même le patronyme de Rameau est éteint ! "
Publications (liste non exhaustive) de Rameau de St Père:
François-Edme Rameau de Saint-Père s'est éteint le 15 décembre 1899 à Adon, à l'age de 79 ans.
Source: Archives Municipales
(1) http://gw2.geneanet.org/jmameil?lang=fr;pz=alfred;nz=ameil;ocz=0;p=louis;n=rameau
(3) http://journals.hil.unb.ca/index.php/Acadiensis/article/view/11526/12276
Les confréries religieuses d'Adon
Les confréries religieuses ont vu le jour au Moyen Age, et se sont perpétuées au cours des siècles jusqu'à nos jours, même si leur but d'origine, l'intercession par la prière commune du Saint invoqué, a évolué, notamment à partir du 16e, vers la promotion du culte catholique.
La première trace que nous retrouvons pour les confréries religieuses d'Adon figure dans un registre paroissial de 1631.
Deux confréries y sont répertoriées :
La confrérie du St Sacrement, de loin la plus nombreuse, riche de 12 membres
La confrérie de St Jacques, forte de 5 membres.
La population totale d'Adon, à cette époque, est estimée à environ 400 personnes.
Source: Google Books (2)
"La confrérie du Saint-Sacrement est un modèle qui se diffuse au XVIIe siècle et qui se réclame de la dévotion devenue centrale dans le catholicisme rénové du Concile de Trente et devient très vite le fer de lance de la Contre-Réforme.
En France, de telles confréries sont nombreuses au milieu du siècle autour de Paris, en Bretagne et en Provence, puis elles se développent dans les diocèses du Nord-Est, ainsi que dans ceux de la province de Lyon et d'Auch ; à l'échelle européenne, on observe une onde de propagation qui part des pays méditerranéens pour atteindre ensuite les pays germaniques et la Pologne, en suivant la progression de la Contre-Réforme.
Les créations sont favorisées par les évêques qui veulent en ériger dans chaque paroisse et ceux qui les dirigent sont aussi aux commandes des cités. Mais, tout en adorant ostensiblement l'hostie consacrée, ce qui fait de ces confréries des confréries de combat, l'accent est mis, dans les statuts comme dans les images, sur la dévotion personnelle centrée sur la communion fréquente, l'ennemi n'étant plus l'hérétique mais l'impie."(1)
Deux siècles plus tard, nous sommes toujours en présence de deux confréries :
Un rapport de 1856, préparé par l'abbé Bernardin (3), curé d'Adon, et premier bénéficiaire du nouveau presbytère d'Adon, à l'occasion de la visite Archi diaconale qui se préparait, nous livre tous les détails de la vie de ces confréries, et plus généralement de la vie religieuse à Adon:
«... ces confréries sont régies par quelques actes de Statuts, sans trace ni date d'ordonnance ou d'érection. Aucune indulgence attachée, donc aucune affiliation.
30 membres de la confrérie de la Sainte Vierge (Jeunes filles et femmes) et 10 membres de la confrérie du Saint Sacrement.
Un bâtonnier et une bâtonnière reçoivent les fonds, distribuent le Pain Bénit, tiennent registres des recettes et dépenses sous la surveillance de Mr le Curé, qui met dans une caisse à part les fonds en donnant récépissé devant témoin ad hoc.
Les fonds si modiques sont employés facilement à faire célébrer les offices religieux et à entretenir et renouveler les objets du culte de la Sainte Vierge et du Saint Sacrement.
Les recettes de la confrérie du Saint Sacrement s'élèvent environ de 6 à 8 francs, et celles de la confrérie de la Sainte Vierge à 20 Francs.
On cumule ordinairement deux ou plusieurs années pour atteindre le chiffre nécessaire à l'achat des objets désirés.
Les dignitaires sont simplement ceux nommés ci-dessus, un bâtonnier et une bâtonnière, qui a ordinairement un vice bâtonnier.
Il n'y a pas d'assemblée régulière possible. Le jour de l'Assomption étant un jour de renouvellement, un plus grand nombre s'y trouve quelque fois, mais la nature de la population dispersée, sans éléments d'union, n'offre guère de renforcement d'intérêt.
Le Pain Bénit chaque fête de la Vierge, l'offrande du jour et le service qui se doit après le décès (de ses membres NDR), voilà en quoi consiste toute la confrérie pour la plus part de ceux qui en font partie.
Les paroissiens des deux extrémités de ma paroisse se connaissent à peine, et un quart de ces habitants ont plus de rapport souvent avec une ou deux paroisses voisines.
Plusieurs tentatives d'invitations au tableau d'inscription pour raviver la confrérie du St Sacrement ont échoué. La cherté du pain qui rend coûteuse l'offre du Pain Bénit retient un bon nombre de gens, presque tous peu aisés.
Généralement les confrères de la sainte Vierge font leur Pâques et semblent avoir plus l'esprit paroissial. Il n'en est pas de même pour les confrères du St Sacrement, beaucoup plus indifférents.
Les moyens d'améliorer ces confréries et de les rendre plus fructueuses sont les mêmes que pour l'amélioration de la paroisse. Cependant on peut ajouter que les signes extérieurs ayant un grand empire, des signes distinctifs étant donnés comme tableaux, images... puis, une admission solennelle, s'il était possible, auraient sans doute quelque effet.
Je m'étais proposé d'abord d'ériger un autel convenable de la Ste Vierge et bien orné, mais il a déjà fallu renouveler bannières, linge... et les ressources manquent...
Joignez à cela une population si difficile à saisir, qui vous échappe et que ses occupations absorbent totalement : il y a des difficultés qui forcent à rester à peu près au même point sous ce rapport.
Sur le dernier sacrement, on peut dire que personne ne le refuse : on y met plus ou moins de zèle, et cela dépend aussi des parents.
Il n'existe pas d'autres associations ni corporations à proprement parler. Car on ne peut appeler ainsi la réunion de prétendus confrères de St Nicolas et de Ste Catherine qui viennent offrir un Pain Bénit au dimanche qui suit la fête de leurs saints, et les quelques abus qui tendent à se glisser font hésiter et décider presque à refuser de bénir ce pain.
On ne peut encore donner le nom de corporation aux quelques laboureurs qui se réunissent au charron et maréchal pour faire célébrer une messe de St Eloi. Ils déjeunent ensemble, règlent leurs affaires...
Il n'y a pas de scandale, mais nulle part, unité, ensemble possible sur cette paroisse dispersée. »
Les difficultés mentionnées par l'abbé Bernardin tiennent au fait que la grande majorité, probalement plus de 80%, des habitants d'Adon était fortement dispersée dans les fermes et manoeuvreries des grands propiétaires terriens.
Aux conditions de vie et de travail sans doute assez difficiles, s'ajoutait l'éloignement du centre du bourg et donc de l'église.
La photo du cadastre de 1835 ci dessous illustre cela parfaitement; il est en effet facile de constater que le nombre de constructions autour de l'église est très restreint: 15 habitations tout au plus, abritant environ une soixantaine de personnes sur les 477 que comptait la population d'Adon en 1856!
(1) Yves Krumenacker, « Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi. Histoire des confréries et de leurs images à l'époque moderne, Paris, L'Harmattan, 2006, 401 p. », Chrétiens et sociétés [En ligne], 14 | 2007, http://chretienssocietes.revues.org/471
(2) Cet ouvrage est consultable sur http://books.google.fr/books?id=IPkFI5-1X8EC&hl=fr&pg=PP2#v=onepage&q&f=false
(3) Fond des Archives Diocésaines, Archives Départementales du Loiret
L'Eglise d'Adon (2)
Les Turbulences de l'Histoire
L'église d'Adon traversât les siècles, mais pas sans dommages. Les nombreuses tribulations qui secouèrent la région, comme le pays, ne l'ont pas épargnée, même si, à bien des égards, son destin fut, comparativement à d'autres églises, relativement préservé.
C'est la guerre de Cent Ans (1337-1453), qui marque le début d'une longue ère assez troublée dans la région.
En effet les prétentions de la couronne d'Angleterre, en la personne d'Edouard III, sur le royaume de France, et le soutien appuyé de celui-ci à l'Ecosse, ont fait partie des motivations menant à ce conflit.
Il fut en fait une succession de guerres entrecoupées de trêves s'étalant sur plus de 100 ans, et dont le théâtre des opérations fut mouvant au gré des intérêts publics, mais aussi très largement privés, des belligérants.
Pour ce qui nous concerne, la première alerte très sérieuse fut provoquée par Sir Robert Knolles en 1359, lorsqu'au retour de la prise d'Auxerre plus tôt dans l'année, il repartit par Châtillon sur Loing, qu'il avait conquis précédemment ;
Il fit dévaster et brûler Châtillon, consolidant ainsi un peu plus l'immense fortune amassée tout au long de ses batailles, et laissa ses troupes se payer sur ce qu'elles pouvaient trouver aux alentours : Adon, ainsi que tous les villages environnants, fut sur leur chemin !
N'ayant aucun témoignage écrit de cet évènement, on ne peut qu'imaginer la détresse des Adonnais à cette occasion, pendant laquelle l'église d'alors fut certainement pillée.
Et ce, au moment précis où sévissait la première épidémie de peste noire!
Deux siècles plus tard, la troisième guerre de religion débute, en Juillet 1568. Coligny échappe à un complot d'enlèvement par le roi Charles IX, et prend la tête des armées huguenotes dans l'ouest du royaume ou se déroulera l'essentiel des combats.
Mais pendant ces années 1568 et 1569, à notre niveau local, les rixes entre les protestants de Châtillon sur Loing et les catholiques de Gien, créèrent un va et vient de conflits. Adon se trouvait géographiquement au milieu des belligérants. Une fois encore, l'église fut sans doute prise à partie.
On peut remarquer à l'examen des registres paroissiaux, qu'à de très rares exceptions, la population d'Adon demeura fidèle à Rome et au catholicisme.
Puis, c'est en 1652, durant l'épilogue de la Fronde de Louis II de Bourbon surnommé le Grand Condé, qui opposa les loyalistes de Louis XIV, agé de 14 ans et réfugié au Château de Gien, et les troupes du Grand Condé, que les plus grosses atteintes à l'église d'Adon furent portées.
Cette bataille décisive eut lieu à Bléneau. Les troupes de chaque camp étaient stationnées dans toute la région.
Celles du Roi étaient à Boismorand, et celle du Grand Condé à Chatillon sur Loing.
Cette dernière, au nombre de 10 000 soldats, était en proie à la disette, et finit par se répandre dans les campagnes le 5 avril 1652, juste avant la bataille de Bléneau qui vit la victoire des troupes de Louis XIV commandées par Turenne.
Cette incursion fut violente et dévastatrice pour des villages comme Aillant sur Milleron, Dammarie sur Loing, et bien sûr Adon.
En effet, on trouve dans le document de Solange Rameau le texte suivant:
"les hommes du village (d'Adon) montèrent dans le clocher pour sonner le tocsin, mais inutilement. Les pillards mirent le feu à l'église (mais sans faire trop de dommage à l'édifice puisque le culte y fut rétabli au mois de Juillet suivant).
Les hommes descendirent alors du clocher à l'aide de cordes par deux petites fenêtres ceintrées dans le pignon au dessus du châpiteau. pendant ce temps là, les soldats pillaient et brûlaient les maisons"
Quelques traces de cet incendie, essentiellement des pierres calcinées, ont été retrouvées, et changées, lors de la dernière restauration, en 1992.
On peut également remarquer dans les registres paroissiaux que les mois de Janvier à Juin sont manquants, probablement détruits au cours de l'incendie, les inscriptions ne reprenant qu'en Juillet.
Finalement, les Révolutions de 1789 et 1792 n'ont pour ainsi dire pas affecté l'église, puisque le curé résidant, Pierre Etienne Souesme, continua de dire la messe, et fût même le premier Officier d'Etat Civil à partir du 1er janvier 1793, marquant ainsi une transition douce entre les registres paroissiaux et les nouveaux registres d'état civil, l'ancien et le nouveau régime.
La vie de l'Eglise d'Adon (1)
Celle ci est bien entendu rythmée par les messes tous les jours de la semaine, et en particulier le Dimanche, les activités des confréries, et naturellement, les nombreux baptêmes, mariages et inhumations qui y prennent place.
Nous en avons pour preuve les registres paroissiaux dont le plus ancien à nous être parvenu date de Janvier 1629. Le premier acte à y être consigné est le baptême de Jehanne Boyé ou Doyé, le 6 Janvier.
A cette époque, et jusque dans les années 1960, le cimetière entourait l'église, occupant toute la surface de la place de l'église actuelle. Une partie avait néanmoins été réservée à l'usage du curé qui y cultivait son potager.
Entre l'église et le village il n'est pas de lien plus étroit que celui du cimetière. Il appartient à l'église, et, à la fabrique qui l'administre parfois avec une attention... défaillante; les clôtures n'étaient pas entretenues, le terrain était envahi par les bestiaux qui venaient y paître, les femmes y étendaient leur linge; on y déposait le bois, planches et perches nécessaires à certains travaux. C'était l'endroit où l'on parlait et où quelquefois des soudards avinés en venaient aux mains.
C'est pourquoi un édit d'Avril 1695 porte que les habitants des paroisses sont tenus d'entretenir et de réparer la clôture du cimetière qui doit être béni et clos.(1)
Nous savons par ailleurs que le curé résidant d'Adon, était secondé par des marguilliers, et un sonneur de cloches.
Les marguilliers étaient des personnes appartenant à la Fabrique, qui sous l'ancien régime, désigne à la fois les biens qui appartiennent à l'église paroissiale et les personnes qui les administrent.
Le curé n'était donc pas seul, puisque entouré de gens qui s'occupaient, pour lui, de l'organisation de nombreux aspects de la vie de l'église, sans pour autant pouvoir prendre de décisions importantes.
L'église d'Adon à cette époque était le seul et unique centre de l'intérêt collectif du village, et le choix des marguilliers revêtait une grande importance.
Leur élection se fit longtemps d'après le principe du suffrage universel. Elu ou nommé, le marguillier est tenu d'accepter les fonctions. Il est choisi obligatoirement parmi les paroissiens, doit être laïc, de bonne vie et mœurs, savoir lire et écrire. Si l'on ne sait rien sur leur moralité, une chose est certaine, ils ne savaient pas tous écrire !
Ils sont nommés plus pour leur bonne volonté que pour leur connaissance de la comptabilité ou de l'écriture. Certaines nominations devaient être le fruit de la collusion de certains habitants contre tel ou tel voisin. On n'était pas mécontent de pouvoir se venger de la sorte. Et comme l'heureux élu ne pouvait pas refuser....
Et pourtant, leurs fonctions revêtaient théoriquement une importance capitale pour la vie religieuse.
Ils étaient responsables de l'entretien de l'église, de son aération et de sa décoration; ils avaient la garde du mobilier qu'ils devaient inventorier chaque année et conserver en bon état: linge, nappes d'autel, aubes, surplis, bonnet carré de Monsieur le curé, bas et chapeau du suisse, croix, aspersoir, burettes, campane, ornements sacerdotaux.
Ils administraient les fonds, percevaient les revenus, acquittaient toutes les charges du culte dont ils devaient respecter strictement les usages. Il était nécessaire que l'ordre régnât et qu'une gestion saine fut mise en place. (1)
Nous retrouvons sur certains parchemins, ou dans les registres paroissiaux, le nom de certains d'entre eux.
En 1631, Guillaume Guillebost et Charles Hislay, en 1716 Thierry et Pierre Doveets, en 1832, Pophillat, Foucher, Souesme et Putois, ...
La Fabrique d'Adon, comme partout en France, fut supprimée en 1793, réinstallée par Napoléon en 1803, pour être définitivement abolie en 1905, avec les lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat.
(1) http://www.gatinaisgeneal.org/michelf/histoires_particulieres/saint-pipe/marguillers_et_fabrique.htm
Commentaires