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Titre du blog : Adon: une Histoire
Auteur : adon45
Date de création : 07-08-2011
 
posté le 08-07-2012 à 17:16:23

Rebel Oiseau (I)

 

Rebel Oiseau (I)

 

 

 

 

Un peu d'étymologie...

 

 

Le nom de  "Rebel Oiseau", qui n' a rien à voir avec un oiseau rétif, a une vielle et longue histoire. Il la partage d'ailleurs en partie avec « Arrabloy », mais sous une forme ayant évolué différemment.

Les deux termes ont en commun leur origine, le mot « Acerabulus » usité pendant la 2ème moitié du 1er millénaire. Ce terme est en fait  un assemblage de deux mots :

 

« Acer », venant du latin, et

« Abulus »  venant sans doute du celte, signifiant pommier ou sorbier. (1)

 

Après plusieurs siècles, cet « Acerabulus » a évolué en « arable » ainsi qu'on le voit par exemple dans le « Roman de la rose » écrit entre 1237 et 1280 (à ne pas confondre avec l'adjectif arable -du latin arabilis- signifiant labourable).

 

Arable a donc fini par donner « érable », en Français moderne, mais entre-temps, « arable » a également servi à nommer des lieux ou poussaient des érables, tel « Arabloy ».

A Adon, ce nom fut transformé en « Arblaisau », ainsi qu'il figure sur la carte de Cassini de 1760 (environ).

 

 

 

Source: IGN

 

 

Le nom  a continué à évoluer lentement, et c'est ainsi que certains actes de la fin du 18e et début 19e, contiennent déjà la formule   « Terre de l'Arblaisau ou Rebel Oiseau », repris officiellement par le premier cadastre de 1835  et sur la première carte d'Etat Major de 1837:

 

Source: IGN

 

On trouve également sur certains documents officiels de la fin du 19e et début 20e, le nom : « Rabeloiseau » (sans doute dû à une erreur de transcription)!

 

 

Un peu d'histoire...

 

Comme pour toute l'histoire patrimoniale d'Adon, l'histoire du domaine de  Rebel Oiseau est une lente mais inéluctable succession d'agglomérations de terres afin d'obtenir la plus grande surface possible.

 

En 1736, Le domaine de l'Arblaisau comprenait (2)  : 

  • une maison d'habitation avec environ 5 hectares
  • la manoeuvrerie des Verseaux avec 98 hectares
  • bois et taillis pour environ 45 hectares (chênes, ormes et charmes)
  • le domaine du Grand Rosier de 30 hectares

soit en tout environ 178 hectares.

 

Ce domaine était alors la propriété de Thomas Amyot et de son épouse Jeanne Turpin, originaire de la paroisse de Notre Dame du Fourchaud à Bourges, et dont le mariage fut célébré le 2 Août 1734 à Veaugues, dans le Cher. Le couple s'établit à Orléans, où Thomas Amyot, beaucoup plus agé, décéda le 31 Août 1736.
Le couple n'ayant pas eu d'enfant, donc pas d'héritier direct, Jeanne Turpin hérita de l'usufruit de la propriété au décès de son mari, qu'elle garda jusqu'à sa mort, en 1790, tandis que la nue propriété en revenait à Jeanne Saget, la cousine issue de germain de Thomas Amyot.

 

Entre temps Jeanne Turpin, s'était remariée en épousant en secondes noces, Pierre Jacques Le Veillé, Seigneur du Rochy (dans la Nièvre). Elle semble n'avoir eu aucun intérêt dans cette propriété qu'elle laissa à sa mort dans un état de délabrement avancé.


C'est donc à son décès que la nue propriété et l'usufruit furent de nouveau réunis, et qu'un certain Pierre Amyot, horloger de son état à Norwich en Angleterre, apparaît et réclame son héritage en se disant petit fils de Thomas Amyot.

Pour comprendre ce mystérieux héritier, il faut remonter quelques années en arrière, et découvrir que Thomas Amyot, seigneur "de la Forest", avait épousé en premières noces, Judith Cavalier, à Londres, dans la paroisse de Saint James, le 1er décembre 1694! (3)

il faut également savoir que de nombreux Huguenots, dont certains portaient le patronyme Amiot anglicisé en "Amyot" , avaient fui les guerres de religion pour s'installer notamment dans la région de Norwich et à Londres.

 

Après deux procès, (malheureusement ces deux jugements ont disparu dans l'incendie des archives du Loiret en 1940) l'un à Orléans en 1791, le second en appel à Pithiviers en 1792, ce Pierre Amyot, fut débouté, et la succession finalement dévolue aux petits cousins de Thomas Amyot et Jeanne Turpin.

A l'issue d'un partage entre le frère et la soeur, seul Charles Turpin, qui était prêtre, demeura propriétaire du domaine.

 

Au moment du partage, le domaine de Rebel Oiseau bénéficiait en plus de :

 

« une rente de huit Muid de Bled Seigle, mesure de Châtillon sur Loing, due par Pierre Vilaine, du lieu de La Charmée, et autres propriétaires du dit lieu de La Charmée... »

 

Le notaire (3) a également noté que «  Tous ces objets (...) étant en très mauvais état de réparation qui ont été absolument négligés pendant l'usufruit qui a duré depuis 1736 jusqu'en 1790, ont été et sont estimés dans leur état actuel le prix et somme de 30 000 livres. » !

 

Finalement il faut noter que le domaine de Rebel Oiseau se trouvait réparti sur les terres de trois puissants seigneurs à qui il fallait rendre hommage (et verser les rentes qui allaient avec) :

 

  • 1. Mr de Montmorency Luxembourg, propriétaire de la terre de Châtillon sur Loing (héritier des Coligny)
  • 2. Mr du Tillet, propriétaire de la terre de La Bussière
  • 3. Mr de Falaiseau, propriétaire de la terre de La Ravaudière

 

Quelques mois plus tard, le 24 Juin 1793, Charles Turpin en fit à son tour don (2) à son neveu, Augustin Roussel de Vauzème et son épouse Louise Mélanie Lenoir.

Augustin Roussel De Vauzème avait vu le jour en 1754 et devint docteur en médecine de la Faculté de Paris. Spécialiste de la peau, il publiera de nombreux articles et plus tard (1835), et en collaboration, un livre intitulé Nouvelles recherches sur la structure de la peau,  qui fera référence.

 

Source: Google Livres

 

 

 

Ceux ci ont à leur tour revendu la propriété sept ans plus tard, le 4 Juillet 1800, à Nicolas Chambon de Montaux, qui avait épousé Augustine Epiphane Bateste.

 

Lui, né en 1748, était également Docteur en médecine, originaire de Breuvannes, près de Langres, et issu d'une famille comprenant de nombreux médecins, il fit ses études à la faculté de médecine de Paris. Il était d'ailleurs parisien, au moment de son mariage, le 26 Juillet 1791, installé près de l'église Sainte Eustache (4).

Médecin de la Faculté, de la Société de Médecine, Médecin Chef de la Salpétrière à Paris, premier Médecin des Armées, etc. il publia plusieurs ouvrages de médecine sur les "maladies des femmes" dont il était spécialiste:

 

Source: Google Livres

 

 

 

Républicain convaincu mais modéré, il entra en politique, et en 1792, il est élu Maire de Paris (un peu à contre coeur), en une période bien troublée. Il dût notamment être témoin du jugement au procès de Louis XVI et superviser son exécution, le 21 Janvier 1793; il obtint la faveur de le faire conduire dans une voiture, et non dans la charrette des condamnés.

 

 

Louis XVI sur l’échaffaud

 

Rapidement dépassé par la tournure des évènements, il démissiona au bout de quelques mois (ce fut sans aucun doute la bonne décision, au bon moment, car ses successeurs connurent un destin peu enviable). Il se retira donc de la vie politique, se fit oublier à Blois, pour se consacrer à la médecine jusqu'à son décès en 1826.

 

Son épouse ne fut pas en reste et eut également son heure de gloire, quoique plus modeste, et pour des raisons bien différentes:

 

"...Au moyen âge et même plus tard, il y eut des chaufferettes pour les pieds, en forme de boules do cuivre, mais on se servait plus communément de chaufferettes de fer, que l'on plaçait sur Le premier perfectionnement de quelque importance que reçurent les chaufferettes, eut pour objet de remplacer la braise par une petite lampe à huile, au-dessus de laquelle se trouvait un bassin de tôle plein de sable : cette innovation parut en 1814. On appela ces chaufferettes nouveau modèle, qui servaient également de réchauds, de chauffe-tisanes, bouillons, etc., des Augustines, du nom de celle qui les avait imaginées, Mme Augustine Chambon de Montaux.(5) 

 

Elle déposa d'ailleurs un brevet de cinq ans pour son invention. (en voir la description sur:

 http://books.google.fr/books?id=GGMKAAAAIAAJ&pg=PA155&lpg=PA155&dq=Augustine+chaufferette&source=bl&ots=Y-diC-_dNy&sig=cGF4V6nvJrjg0EZV11nPjsJWy9M&hl=fr&sa=X&ei=uzKNT_KhN6Ou0QWj3dDpDA&ved=0CEsQ6AEwBQ#v=onepage&q=Augustine%20chaufferette&f=false)

 

 

Les Chambon de Montaux gardent la propriété jusqu'au 1er Janvier 1805, date à laquelle ils la vendent à Elizabeth Sophie L'hostellier Desnaudières, "séparée de biens mais autorisée" de son époux, François Philibert Ménessier Viard. (2)

 

Originaire de Nemours, elle était la fille de Michel L'hostellier Desnaudières, avocat au parlement et receveur des finances de l'élection de Nemours. Elle y avait d'ailleurs épousé en premières noces le 17 février 1789, Barbe Jean Charles Le Bas (le Jeune, car son frère aîné portait les mêmes prénoms...) (6).

Le mariage fut autorisé par dispense spéciale de l'évêque de Lisieux du fait de leur cousinage au premier degré (leurs mères étaient en effet soeurs).

Il était écuyer, Seigneur de St Sébastien les Préaux dans le Calvados et autres fiefs, Conseiller du Roy,Président Trésorier Général des finances au bureau de la Généralité de Rouen.

 

Veuve sans doute assez rapidement, et remariée donc, elle vécut très certainement à Rebel Oiseau, car elle y est domiciliée au moment de la vente qu'elle en fit à Charles Nicolas Henocq,  le 27 mai 1807. (2)

 

Néanmoins, le domaine ne lui fut pas intégralement cédé, car une trentaine d'hectares (la majeure partie du domaine du Grand Rosier) en avait été soustrait peu avant, et vendu à Etienne Souesme (le frère du curé  d'Adon), autre important propriétaire terrien et futur maire d'Adon, de 1808 à 1834.

La transaction, de manière un peu inhabituelle, a en fait consisté en un échange: contre le domaine de Rebel Oiseau, Elizabeth Sophie L'hostellier Desnaudières recevait les appartements des Henocq, situés au 167 rue du Faubourg St Martin à Paris, avec meubles, glaces et rideaux, et les jardins attenants! Elle y déménagea donc après la vente.

 

Né le 4 septembre 1768 à St Germain la Blanche Herbe, près de Caen dans le Calvados, Charles Nicolas Henocq décèdera le 8 juin 1851 à Paris, à l'âge de 82 ans et sera inhumé dans le Caveau Letrone (du nom de son gendre, collègue et ami de Champollion) au Cimetière du Père Lachaise

 

Il se maria tout d'abord avec Adélaïde Chevalier, puis avec Marie Antoinette Rigal, le 28 juillet 1806, à l'Eglise St Laurent à Paris

 

 

 Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne

 Joséphine de Beauharnais en 1806

 Il fut secrétaire particulier de l'Impératrice Joséphine à la Malmaison à Rueil-Malmaison, ce qu'il demeura jusqu'au décès de celle-ci, le 29 mai 1814.

 

Il devait son introduction auprès d'elle à son ami et ancien condisciple du collège des Quatre Nations (aujourd'hui l'Institut de France), lui-même secrétaire de Napoléon Bonaparte, Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne.

 

 

Ses héritiers relatent que Joséphine ayant eu sans doute un faible pour lui, fit faire son portrait, peint par Isabey en 1809, et le lui offrit! (9)

 

C'est dans l'entourage de Joséphine, que Charles Hénocq fit la connaissance du prince de Monaco. Celui-ci, détrôné par la révolution, s'était recyclé au service de la noblesse impériale et était alors chambellan de l'Impératrice. Charles Henocq lui rendit quelques services financiers et le prince, une fois rétabli sur son trône à la Restauration, le remercia en lui donnant des terrains à Banastron (près de Roquebrune). C'est là que fut inhumée son épouse, Marie Antoinette Rigal.(10)

 

 

Henocq agrandit son domaine de Rebel Oiseau en rachetant, le 10 Septembre 1807, Les Ragoneaux et sa manoeuvrerie

Le premier acte de propriété (2)  retrouvé pour Les Ragoneaux, montre qu'ils avaient été achetés en 1788 à  Jacques Celebrod (?)  par Jean François Guillomet, seigneur de Rosières (Allier). Celui-ci avait épousé Marie Adélaïde Aillaud de Nailly le 5 Mars 1782 à Châtillon sur Loing (Châtillon Coligny). (7) (10)

 

Originaire de Chantelle dans l'Allier, il s'est installé à Châtillon après son mariage et était Controleur Genéral de la régie, autrement dit, des impôts. Il décéda très vite, en Décembre 1784, à Châtillon, laissant sa veuve seule avec ses domaines.

 

Marie Adélaïde Aillaud de Nailly était, elle, issue d'une vielle famille de notables locaux, seigneurs de Nailly, à Dammarie sur Loing. Son grand père notamment, avait été Conseiller du Roi et contrôleur du Grenier à Sel de Montargis de 1704 à 1736. Elle survécut à son deuxième mari (le premier avait été Charles Bernard François BABILLE, seigneur de Presnoy, et un de leurs fils fût maire de Châtillon) pendant 33 ans, puisqu'elle décéda en 1817.

 

C'est donc elle qui vendit Les Ragoneaux.

 

Les Henocq contribuèrent donc ainsi à l'agrandissement du domaine de « l'Arblaisau ». Mais leurs acquisitions furent d'une extrême courte durée !

 

En effet, ayant sans doute eu  besoin d'argent pour financer d'autres projets, ils revendirent ce domaine presque immédiatement, le 24 Octobre 1807, participant ainsi à l'enrichissement de leur notaire plus que du leur...

 

(1) Revue Celtique, 32, p. 138. Vendryes
(2) Minutier Central des notaires de Paris, Archives Nationales
(3) London parish registers. Marriages at St. James's, Duke's place, from 1668 to 1837 (Volume 3)
(4) http://archives.yvelines.fr
(5) Moeurs intimes du passé.... Série 1 / Dr. Cabanès Gallica BNF.
(6) Archives départementales de Seine et Marne
(7) Archives départementales Loiret
(8) http://gw2.geneanet.org/jlbam?lang=fr;iz=20802;p=jean+francois;n=guillomet.
(9) Michel LETRONNE Juin 2008 d'après le Livre Biographique sur Denise PORRET descendante de Jean Antoine LETRONNE
(10) http://gw3.geneanet.org/domiri?lang=fr&p=charles+nicolas&n=henocq