Les Evènements Climatiques
Il ne s'agit pas, dans ce chapitre, de faire l'inventaire exhaustif de tous les aléas climatologiques qui parsemèrent notre région durant les cinq ou six siècles passés. Un livre écrit par Karine Pinault (1), dont une partie de cet article est inspirée, est de ce point de vue, remarquable.
Il s'agit plutôt de mettre en exergue quelques évènements particulièrement marquants qui eurent des conséquences très importantes pour la population d'Adon. En effet, 90% de celle-ci, comme partout en France, vivait de l'agriculture, qui, on le sait, dépend pour beaucoup, du climat.
En particulier les informations dont nous disposons pour les 17e et 18e siècles, qui furent une succession d'années désastreuses (on parle d'ailleurs d'un « petit âge glaciaire ») devraient nous aider à quelque peu relativiser nos propres angoisses dès que nous apercevons 10 cm de neige ou des températures atteignant les -10°C!
Le Grand Siècle
Au 17e, trois aléas majeurs ont marqué les vies des Adonais.
Tout d'abord, l'hiver 1607/1608 a été très rigoureux, considéré longtemps comme le plus froid du siècle. On a noté qu'à Sully sur Loire, le vin gelait dans les caves. Le quart des animaux de ferme meurt de froid et de faim faute de fourrage. La Loire gèle sur 60 cm de profondeur, et les charrettes peuvent la traverser sans passer par les ponts.
Puis en 1684, l'année commence par un mois et demi d'un hiver extrêmement froid, comparable à celui de 1608, avec les mêmes conséquences. Mais comme si cela ne suffisait pas, une grande sécheresse a suivi en Mai et Juin.
Pour finir le siècle, les années 1693 et 1694 furent en France le théâtre d'une grande famine : la récolte de 1693 avait été plus que médiocre. L'hiver 1694 fut très rude, suivi par un printemps sans pluies. Dès le mois de Juin, les réserves de céréales sont épuisées dans la plus part des villes françaises.
Pour Adon, c'est surtout le froid qui fit augmenter le rythme des décès, en Février et Mars.
Mais le pire est encore à venir.
Le Siècle des Lumières
Passant au 18e, l'année 1708 est très pluvieuse, et les récoltes de céréales sont à peine équivalentes à la moitié d'une année moyenne. La spéculation se met en route et la cherté du pain commence à se faire sentir dès l'automne, menaçant la population d'Adon comme celle du reste du royaume. Et le "Grand Hyver" démarre.
Dès le 6 Janvier 1709, il fait -7°C, il tombe 30 cm de neige. Puis le froid s'intensifie : on relève -20°C, puis -25°C le 13 Janvier. La Loire gèle par endroits sur 1,30m de profondeur !
Les arbres, surtout les fruitiers, mais pas seulement, gèlent sur pieds, les blés semés en Automne sont tous perdus.
Le prix des denrées de base explosent, et les registres de décès aussi : 900 000 morts dans toute la France (soit 5% d'une population de 19 Millions d'habitants) entre 1709 et 1710.
Mais pour Adon, c'est une catastrophe ! Le tableau ci-dessous donne une vue très explicite de la situation vécue par les Adonais, 1708 étant l'année « normale » de référence :
Année Baptêmes Inhumations Population totale (environ)
1708 19 9 400 (2)
1709 7 36
1710 8 100
1711 20 25
1712 25 22
1713 15 26
Registre Paroissial : AD du Loiret
En deux ans, Adon a perdu environ 35% de sa population, morte de faim, de faiblesse et de maladies. Les victimes étaient de tous ages, mais les enfants en particulier, furent très touchés. Pendant les mois d'hiver, les inhumations au cimetière entourant l'église se succèdent à un rythme infernal, jusqu'à 4 ou 5 par jour !
Le registre paroissial qui d'ordinaire compte 4 à 5 actes par page contient 10 ou 11 actes d'inhumation, en tristes rangs serrés, dans une suite qui parait sans fin. Le curé lui-même, Pierre de Moncelle, succombera le 18 avril 1710, à l'age de 42 ans, avec 2 autres paroissiens.
Ainsi qu'on peut le voir dans le tableau, trois ans après le pic de la disette de 1710, le nombre de décès est encore supérieur aux naissances. Il faudra attendre 1715 pour que les naissances reprennent le niveau de 1708 et que le nombre de mariages explose.
Mais les habitants d'Adon n'en avaient pas encore fini avec les catastrophes !
En effet, en 1714, c'est la sécheresse qui les menace. On trouve dans le registre paroissial le texte manuscrit suivant, écrit par Antoine Ozon, curé d'Adon, successeur de Pierre de Moncelle:
"En cette année 1714, depuis Juin il y a eu une si grande sécheresse que tous les peuples appréhendant pour leurs grains qui périssaient visiblement et les laboureurs ne pouvant plus (???), les moulins en partie ne pouvant moudre, le canal ne pouvant plus porter les bateaux avec les charges ordinaires, un nombre considérable de processions de plusieurs diocèses ont eu recours dans cette tribulation universelle à la très Sainte Batilde (sic), connue sous le nom de Sainte Berthe, de la quelle la plus part des paroisses ou toutes ensemble ont reçu une protection particulière.
A Adon, un secours de la Miséricorde de Dieu y ayant eu, à plusieurs jours différents, des nuages épais qui ont donné abondamment de l'eau pour sustenter les biens de la terre et soulager les peuples dans cette tribulation universelle sans qu'il y ait eu de grands orages. Ces processions ont été celle de Gien, de Blaineau(sic), d'Auzoy sous Trésée (sic), de la Bussière, d'Ecrignelle jointe à celle d'Auzoy, de Ste Esoge(sic)(3) jointe à celle de Blaineau, de Feins, de Rogni(sic), de Dammarie, de Saincte Geneviève, d'Adon, d'Arabloy, de Chatillon sur loing, de Briare, des Choux. Fait ce cinquième jour d'Aoust de la mesme année 1714 A. Ozon"
La récolte fut donc sauvée, mais c'était de peu !
Le 19 Octobre 1726, ce n'est pas une catastrophe qui effraie les habitants mais un phénomène rarissime dans nos latitudes : une aurore boréale ! Nous n'avons pas de témoignage direct sur Adon, mais voici ce qu'a écrit le curé de Ferrières en Gatinais :
« Le 19e Octobre 1726 à six heures du soir il faisait très noir comme il devait faire, le soleil se couchant à 5h 17 minutes et la lune ne devant s'élever qu'à minuit et sur les 7 heures et demie le dit jour 19e Octobre au soir il parût l'endroit où s'était couché le soleil une espèce d'arc-en-ciel qui se terminait où la lune devait dans son temps se lever. Le centre de cet arc était le septentrion et il sortait de cet arc des fumées blanches et resplendissantes; enfin, sur les 9 heures, l'on vit l'hémisphère septentrional tout rempli de flammes et tout le ciel en feu; dans bien des paroisses les curés trop faciles accordèrent à leur peuple de porter en procession le saint Sacrement. Ici quelques personnes se lamentèrent et parlèrent très fort de la fin du monde. Ce phénomène dura jusqu'au lever de la lune. MM. de l'observatoire n'ont rien dit; tout le monde attend leur raisonnement sur cette apparence de feu; ce qui est sûr est qu'on attribuera et on fera signifier les choses qui arriveront à ce phénomène »
On sait aujourd'hui que ce phénomène fut visible dans une grande partie de l'Europe, jusqu'à Cadix en Espagne et Rome en Italie.
L'hiver de 1788 démarre dès la fin Décembre avec -18°C. Précédé une nouvelle fois par des récoltes médiocres; Une fois encore, à la fin du printemps 1789, la population des villes est une fois de plus mise à rude épreuve, et cette fois, c'est la crise de trop...
Adon semble néanmoins ne pas avoir souffert de cette situation, les registres ne montrant pas d'activités mortuaires hors de l'ordinaire.
Le 19e
Changeant de nouveau de siècle, le ciel montre une nouvelle fois ce dont il est capable, et une immense comète est visible à l'œil nu, le 24 Septembre 1811. Les Adonais qui ont quelques pieds de vigne pour leur vin quotidien s'en sont tous réjouit : grâce, dit-on, à la comète, le millésime fût exceptionnel !
Source: Gallica
Finalement, c'est en Juillet 1819 qu'on déplore une nouvelle catastrophe. En effet, les 7 et 8 Juillet, des orages monstrueux éclatent, rasant tout sur leur passage.
Adon fait partie des communes touchées par des grêlons dont la taille minimum était d'une grosse noisette mais dont la plus part avait la grosseur d'œufs de poule ! Tout est dévasté et le préfet du Loiret lance une souscription publique pour venir en aide aux sinistrés :
Source: AD du Loiret
(1) Les catastrophes météo du Loiret - Edition Archives & Culture
(2) Le compte est de 100 "feux", soit environ 400 personnes.(3) Il s'agit de la paroisse de St Eusoge, sur la route de St Fargeau, à l' Est de Rogny les sept écluses