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Titre du blog : Adon: une Histoire
Auteur : adon45
Date de création : 07-08-2011
 
posté le 08-07-2012 à 17:18:00

Rebel Oiseau (suite)

Rebel Oiseau  (II)

 

 

 

 

 

 

C'est Jean Tondu Muiroger et son épouse, Marie Florence Coliette qui en prirent alors possession.(1)

Tous les deux originaires de l'Aisne, Jean Tondu de Muiroger était Juge à la Fère, et Marie France Coliette de Saint Quentin. En 1785, son père, Maître COLIETTE était avocat en parlement, ancien échevin de Saint-Quentin.

Rebel Oiseau ne fut sans doute pour eux qu'un placement financier. Et, lorsqu'ils revendent leur domaine de l'Arblaiseau, deux ans plus tard, le couple habite alors sur l'Ile St Louis à Paris, et plus précisément à l'hôtel de Bretonvilliers, un des plus beaux hôtels particuliers de Paris, aujourd'hui disparu, au No 2 de la rue du même nom.

Le domaine est donc acquis en 1809 par un personnage peu commun, général émigré volontaire en Inde puis rentré au pays fortune faite, le général Leborgne, comte de Boigne. (1)


 

Source: Archives Nationales base Etanot

Minute de la vente de l’Arblaiseau de Muiroger à de Boigne

 

 

"Le grand-père du général, Antoine Leborgne ( ?-1736), natif de Burneuil en Picardie, vint s'installer en Savoie vers 1709, année où il se maria. Son fils Jean-Baptiste (1718-1765), père du général, qualifié de marchand pelletier, épousa en 1744 Hélène Gabet, bourgeoise de la cité.

 

De leur union naquirent 5 enfants. Benoît Leborgne, né le 8 mars 1751, n'était que le cadet de la famille. Après avoir été admis, semble-t-il, au collège royal de la ville, Benoît décida de quitter la Savoie en 1768 et d'embrasser la carrière militaire.

 

Benoît de Boigne

 

 

 

 

 

Après avoir servi dans les armées du roi de France, il devint une sorte de mercenaire vagabond, entre la Turquie, la Russie et les Indes où il s'établit durablement en 1778. C'est dans ce pays, où l'influence de la France venait d'être sérieusement réduite par le traité de Paris, que Benoît Leborgne, en se mettant au service des princes marates, à la fois comme général et administrateur, acquit renommée et fortune sous le nom de Benoît de Boigne.

 

 Il resta au service de Mahradji Sindiah jusqu'en 1795 puis, deux ans après, accompagné de l'épouse indienne qu'il avait prise et des deux enfants que celle-ci lui avait donnés, il s'embarqua pour l'Angleterre où il débarqua en mai 1797.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Adélaide D’Osmond

Revenu riche dans une Europe en pleine guerre contre la France révolutionnaire, Benoît Leborgne devenu Benoît Leborgne de Boigne s'établit à Londres et y épousa, le 11 juin 1798, une jeune émigrée française, Adélaïde d'Osmond, fille de l'ancienne dame d'honneur de Madame Adélaïde, tante de Louis XVI. Après deux voyages au Danemark et en Allemagne (1800-1801), le couple de Boigne s'établit à Paris en 1802, mais il ne tarda pas à se séparer." (On pourra lire avec intéret cette relation tumultueuse relatée par Adélaïde d'Osmond dans ses mémoires disponibles sur Gallica: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2014366/f144.image.r=m%C3%83%C2%A9moires+comtesse+de+Boigne.langFR)

 

"Tandis qu'Adélaïde demeura à Paris et dans ses environs, Benoît repartit définitivement en Savoie en 1807 et s'installa dans le domaine de Buisson-Rond qu'il avait acquis en 1802 dans la commune de Barberaz.

 

Benoît Leborgne de Boigne s'occupa alors de la gestion de son immense fortune et acquit de nombreuses propriétés, essentiellement autour de Chambéry et dans l'ouest de l'actuel département de la Savoie, mais aussi dans le Genevois par l'entremise de ses agents genevois, et ailleurs" : ce fut le cas de l'Arblaisau (Rebel Oiseau) à Adon.

 

 

 

"Devenu entre temps président du conseil général du département du Mont-Blanc, maréchal de camp des armées de Louis XVIII (1814), membre du conseil de la ville de Chambéry (1816), comte de Boigne (1816) puis grand-croix des ordres des saints Maurice et Lazare et lieutenant général dans les armées du roi de Sardaigne (1822), Benoît de Boigne entreprit de faire profiter la cité qui l'avait vu naître de ses largesses et, à partir de 1814, commença une série de donations et fondations qui lui assurèrent la reconnaissance publique et commenca à organiser sa succession.

 

 Benoît Leborgne, comte de Boigne, s'éteignit à Chambéry le 21 juin 1830, et fut inhumé dans l'église Saint-Pierre-de-Lémenc." (2)

 

 

Le Comte de Boigne

 

 

Lorsque le Comte de Boigne achète l'Arblaiseau,  le domaine s'étend sur 254 ha. Quant aux bâtiments construits, bien entendu les fermes et métairies existaient, mais aussi la construction nommée dans l'acte de vente « Maison de Maître de RebelOiseau » (dans d'autres actes, il est question de « Pied à terre »)

 

Cette construction  "fraîchement décorée", comprend :

 

«  au rez de chaussée : une cuisine, une petite chambre de domestique, une salle à manger, son office, un caveau, un salon. 

« au premier: quatre chambres à coucher, cabinets, grands greniers,

« Tourelle dans laquelle est l'escalier, colombier au dessus,

« bûcher, logement de gardien, etc.. » .(1)

  

Mais le comte de Boigne ne s'est pas contenté de cette propriété puisque, deux mois avant, le 1er Juin 1809, il avait déjà acquis des héritiers Colinon les terres des Petits et Grands Roussets et des Verseaux.

 

 

 

Les trois héritiers Colinon, avaient en effet reçus de leur mère, Françoise Agnès Rose de l'Epinay, qui elle même , en 1806, avait hérité de son cousin germain, Jean Baptiste Rose de L'Epinay, ce domaine agricole.

 

Benoit de Boigne continua donc la consolidation de ce grand domaine, probablement sans  jamais y mettre les pieds:  il est en effet représenté par un homme de loi dans tous les actes notariés. 

Le comte de  Boigne conserva le domaine de Rebel Oiseau pendant 9 ans, jusqu'en 1818,  date à laquelle le domaine fut vendu à Guillaume Rouland de la Vente, Docteur en médecine et Antoinette Julie Dufresnois, sa seconde épouse. (1)

 

La surface du domaine était passée de 254 à 461 hectares.

 

L'Almanach de Versailles pour les années 1785 à 1789 nous apprend que Guillaume Rouland de la Vente avait été en fait le chirurgien des écuries de la Reine Marie Antoinette. Nous ne savons pas ce qu'il fit après les temps troublés de la Révolution: il est très possible qu'au moment de l'acquisition, il n'était déjà plus en activité. (3)

 

Il est peu probable que le couple soit souvent venu à Adon, et ce, d'autant que Guillaume Rouland de la Vente  décéda l'année suivante, en 1819.

Antoinette Julie Dufresnois, son épouse, ayant racheté les parts des deux enfants du premier lit de son mari en épongeant les dettes qu'il leur avait laissé en héritage, resta seule propriétaire. Elle perçoit d'ailleurs une rente annuelle de 400 Livres, ainsi qu'on peut le lire sur la "Liste générale des pensionnaires de l'ancienne liste civile" de 1833 Source : Google Books

 

Elle conserva le domaine encore un certain temps et finit par le vendre en 1824 à Jean Baptiste Dunoyer de Noirmont. Pour ce faire elle se fit assister de Jean Baptiste Mollière de Thugny, propriétaire du Château d'Adon, qui avait d'ailleurs en partie financé leur acquisition, et dont elle était débitrice.

 

Jean Baptiste Dunoyer de Noirmont, était issu d'une famille d'hommes de loi auvergnats dont le nom d'origine est Coffinhal.

 

Son père, Joseph, ainsi que ses deux oncles étaient juristes, et furent tous trois très impliqués, mais à des responsabilités différentes, dans les tribunaux révolutionnaires. Notamment, son plus jeune oncle, Pierre André, fut un juge violent, expéditif, et le tristement célèbre auteur de cette réplique à Lavoisier qu'il venait de condamner à la guillotine, et lui demandait un sursis pour pouvoir terminer une expérience en cours: "La république n'a pas besoin de chimistes ni de savants!"

 

Ce ne fut pas le cas, de Joseph, le frère aîné, qui prit ses distances avec ces pratiques, tout en conservant ses fonctions de magistrat, notamment à la cour de cassation. Pendant l'Empire, l'empereur Napoléon lui donna différentes preuves de sa confiance; il le nomma plusieurs fois président du collège électoral du Cantal, et l'avait de plus, chargé de l'organisation de la justice et des tribunaux à Rome et dans les "Provinces Illyriennes" (Croatie, Dalmatie, Slovénie, etc.).

Satisfait de la manière dont il avait rempli cette mission, l'empereur le créa, au commencement de 1813, baron et maître des requêtes au Conseil d'Etat.

 

En 1816, il est autorisé par ordonnance du 4 Septembre  à s'appeler "Dunoyer de Noirmont ", le patronyme de sa mère, et à abandonner le nom de Coffinhal (4), qui avait été sérieusement entâché par les agissements de son frère (celui ci avait fini décapité, peu après Robespierre, en 1794).

 

Pendant ce temps, son fils  Jean Baptiste, né à Paris en 1787, entre à l'Ecole polytechnique le 29 brumaire an XIII (22/09/1804) pour en sortir le 01/10/1806 comme élève sous-lieutenant à l'Ecole d'application du Génie.

 

Il obtient son brevet de lieutenant en premier de Sapeurs le 23/12/1808 et fait partie de l'armée d'Allemagne. Il participe à la campagne de 1809 contre l'Autriche et est nommé avec son grade à l'état-major du Génie le 01/07/1809. Promu au grade de capitaine en second de Sapeurs le 01/01/1810, il part pour les armées d'Espagne et du Portugal pour les campagnes de 1810 et de 1811.

 

Il reçoit la croix de Membre de la Légion d'honneur le 4 Août et participe au siège d'Almeida du 15 au 29 Août, où il reçoit une contusion à la jambe par un coup de pierre. Il est fait capitaine en premier le 31 Janvier 1811.

 

En 1812, il prend la tête du Génie de la 6ème division du IIème Corps d'armée de la Grande Armée qu'il rejoint à Osnabruck pour participer à la campagne de Russie. Il est blessé le 27 Juillet au combat de Jacobowo d'un coup de feu à la cuisse gauche et reçoit une nouvelle blessure en Août,  devant Polotsk où un coup de baïonnette à l'épaule le met hors de combat et l'oblige à se rendre aux russes. Il reste prisonnier de guerre jusqu'à la première Restauration. (4)

 

A son retour en France, il est reconnu capitaine de première classe le 01 Janvier 1815, pour être employé à l'état-major du Génie à Paris, et épouse immédiatement Louise Gabrielle FOSSARD

A la seconde Restauration en 1816, il retrouvera sa place à l'état-major du Génie de la place de Paris, et leur fils Joseph, naît en Juillet de la même année.

 

Goûtant probablement une vie plus tranquille après avoir survécu aux guerres napoléoniennes, il s'occupe de son nouveau domaine de Rebel Oiseau auquel il rend visite régulièrement. C'est au cours de l'un de ces séjours, alors qu'il était en visite chez les Mollière de Thugny, propriétaires du Château d'Adon,  qu'il décède brusquement en Novembre 1831, à l'age de 44 ans.

 

      

Acte de Décès de JB Dunoyer de Noirmont

 

 

 

 

Le domaine demeure dans la famille encore une douzaine d'années, le temps que son héritier, le nouveau baron Joseph Dunoyer de Noirmont se décide à s'en séparer. L'ALMANACH ROYAL ET NATIONAL  POUR L'AN 1842  nous apprend qu'il est Auditeur de deuxième classe puis Maître des requêtes au Conseil d'État, fonction héritée de son grand père, domicilié au 5, rue de la Madeleine à Paris, et est Membre Permanent du Jockey Club à Paris. Au moment de la vente, il a déménagé au  5, rue Royale.

 

 

 

Entre autres, Il publiera plus tard deux livres importants sur la chasse :

 

 

 

 

 

 Il vendit donc, en 1844, la propriété de Rebel Oiseau au Comte puis Marquis de la Fare . A la date de son acquisition, le domaine contient 438 hectares. Celui-ci y fit construire le "Château de la Fertilité", très probablement en utilisant une partie des éléments architecturaux préexistants, telle que la tourelle, et en y ajoutant des éléments de confort plus actuels, pour accueillir sa nombreuse famille, et consolida le domaine en achetant de nouvelles terres. La surface totale du domaine à cette époque n'est pas connue avec certitude, mais on peut l’estimer à environ 600 ha.

 

 

 

 

Château de la Fertilité

 

 

Après son décès en 1871, sa famille commença à vendre le domaine, avec une première transaction en 1887, vendant Les Cris (environ 2 ha), puis une seconde en 1888, cédant environ 90 Ha (Les Verseaux, les Ragonneaux, etc.)

Le reste du domaine fut plus tard séparé en deux et également vendu.

L'année exacte de ces ventes n'est pas connue, mais on sait qu'en 1913, la veuve de Emile Cathelain (née Garny) est propriétaire de 320 ha. (Petit et Grand manoir, la Pichotière, la Flinière, Petits et Grands Roussets, etc.) Elle finira par les vendre à Marcel Boussac en 1928. (6)

De même, le Château de la Fertilité, devenu "Château de Rebel Oiseau" avec 152 ha et sa ferme (incluant La Glandée, Champ des Cailloux, Marais de Rebel Oiseau, etc.) appartient en 1913 à Eugène Chenu. Le tout sera légué en indivision en 1926 à André Narbonne qui fut maire d'Adon de 1929 à 1935. (6)


 


(1) Minutier Central des notaires de Paris, Archives Nationales
(2) FONDS 8J FAMILLE DE BOIGNE (1744-1996) Répertoire numérique détaillé Réalisé par Edouard VASSEUR, Conservateur stagiaire Sous la direction de Jean LUQUET, Conservateur, directeur des archives départementales de la Savoie et de Francine GLIERE, Chargée d'études documentaires, adjointe au directeur des archives départementales de la Savoie Chambéry Archives départementales 2001
(3) Bibliothèque municipale de Lyon (Bibliothèque jésuite des Fontaines)
(4) Source : http://wtl1815.olympe-network.com/main.php#
(5) Biographie universelle, ancienne et moderne ...: Ouvrage rédigé par plus de 300 Collaborateurs, nouv. Éd. (revue), corrigée et considérablement augmentée, Volumes 5 à 6 1847 (Livre numérique Google)
(6) Archives municipales

 

 

Commentaires

mary66 le 21-07-2012 à 00:17:26
Je trouve votre blog très intéressant, j'aime bien ce genre de recherches, c'est passionnant.

Mary